Pentecôte VIII / Fête nationale 14 juillet, 2024 II Samuel 6 :1-19 Ephésiens 1 :3-14 Marc 6 :14-29
Dans nos nations démocratiques, souvent à la merci de luttes partisanes divisives, la fête nationale comme le 4 juillet ou le 14 juillet est un moment de répit. Pour une journée, les intérêts partisans cèdent le pas devant un sentiment d’appartenance à un même peuple. Ce qui nous divise n’est plus aussi important que ce qui nous unit. En ce jour-là, plus qu’en tout autre, les membres d’une même nation partagent, selon les mots de l’historien français Fustel de Coulanges, « une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances » qui leur font ressentir « dans leur cœur qu’ils sont un même peuple ». C’est la fête qui est la meilleure expression et manifestation de ce mélange confus de communion, d’émotions et d’aspirations communes ! En France, le 14 juillet est toujours l’occasion de bals populaires dans les quartiers et les villages où les gens d’âges, d’origines et d’opinions différentes peuvent chanter et danser ensemble au son de la sono ou de l’accordéon. On fera aussi la même chose dans quelques instants.
Deux de nos lectures d’aujourd’hui nous montrent d’ailleurs des gens qui sont aussi en train de faire la fête, de danser. Deux fêtes et deux ambiances bien différentes ! Dans les deux cas, ces histoires nous montrent que la fête est toujours plus qu’un simple divertissement, elle manifeste nos aspirations et forme aussi notre caractère. Dans le livre de Samuel, on voit le Roi David danser devant l’arche d’alliance, le symbole de la présence de Dieu, alors qu’il la fait entrer dans la ville qu’il a construite, Jérusalem. Cet évènement, cette fête, marque la consécration de David. Elle nous montre un souverain qui, en accord avec l’idéal monarchique d’Israël, conduit son peuple dans l’adoration de Dieu. Cette célébration rassemble le peuple d’Israël et installe en son cœur la présence de Dieu lui-même, source de bienfaits et de bénédictions. L’atmosphère est si joyeuse, si festive, que David s’oublie lui-même. Dans la fête, il ne se soucie pas de sa respectabilité aux yeux des gens, et va même jusqu’à danser presque nu devant l’arche sous les yeux réprobateur de certains peine-à-jouir. Car ce qui est visible c’est que toute cette célébration est orientée dans une seule direction, une seule exaltation, celle du Dieu d’Israël qui a soutenu son peuple dans tant d’adversités, même quand il se détournait de lui. Le texte de l’Évangile nous montre aussi la danse d’une princesse mais l’esprit qui lui donne la cadence est tout différent. Dans cette fête, organisée par le roi d’Israël fantoche, Hérode, rien ne va comme il faut. Ce qui règne dans cette fête, sous couvert de réjouissance, c’est en fait la peur, la duplicité et la captivité du regard des autres de tous les participants. Tandis qu’une mère manipule sa fille en la rendant complice d’un crime, chacun dans cette terrible fête veut faire passer ses intérêts et sa réputation en premier. La fête qui devrait rassembler devient source de division et le repas devient cannibale. Chez le Roi Hérode, personne n’est libre d’être vraiment soi-même, comme David l’était. Pour sauver la face devant ses invités, le Roi même agit contre son cœur en faisant trancher la tête du prophète qu’il aimait écouter. Au lieu d’être à la tête de son peuple dans la fête et la célébration de Dieu et de son amour, cette fête devient le signe de sa propre déchéance, de son incapacité à prendre soin du peuple de Dieu.
Ce que ces deux histoires révèlent peut-être, c’est l’importance du sens que l’on donne à nos fêtes, de leur orientation. La joie de la fête n’est pas un simple divertissement, une occasion de donner libre cours à toutes nos envies et passions égoïstes souvent nées de notre désir de pouvoir ou de notre peur du manque. La joie de la fête n’est pas un simple divertissement c’est une joie qui peut nous élever, nous restaurer à la dignité pour laquelle Dieu nous a créés, une dignité qui se restaure toujours avec les autres. Dans la fête, nous avons l’occasion d’explorer qui nous sommes individuellement et en communauté, car on peut y rencontrer de nouvelles personnes, y servir de nouvelles façons. Le temps de la fête est tout sauf le temps ordinaire. C’est le temps de libération et de transformation de tant d’énergies que, s’il n’est pas mis à profit pour la construction du Royaume de Dieu, il peut au contraire conduire à son effritement.
Comme la connu Jean Baptiste à ses dépens, et nous en avez peut-être vous-même fait l’expérience, les fêtes sont dangereuses car nous y faisons l’expérience que nous sommes toujours plus que ce que nous croyons être. Mais les fêtes sont dangereuses aussi car elles sont le moment où tout ce que nous sommes est appelé par Dieu, et tout ce que nous sommes, il l’appelle à sa suite mais nous ne sommes souvent pas prêts à le lui donner. Pourtant, nous suivons un Dieu qui, pendant la fête de Pâques, s’est donné lui-même à nous au cours d’une fête. C’est lui qui s’offre à nous, comme Jean-Baptiste, sur un plat a été présenté à Hérode. C’est Dieu aussi l’hôte de cette fête où nous pouvons, sans crainte du regard des autres, sans crainte de notre passé, apprendre à devenir nous-mêmes des hôtes. Les fêtes enfin sont dangereuses car elles nous coûtent, elles n’ont rien à voir avec le temps bourgeois du métro-boulot-dodo. Tous les volontaires qui participent à la préparation de nos célébrations savent combien de travail, souvent invisible, elles demandent. Mais si les fêtes sont si coûteuses, c’est parce que nous ne valons pas moins que ça. Les fêtes, cette fête, nous donnent un aperçu de notre prix inestimable, le prix que Jésus-Christ lui-même paie en se donnant à nous et en nous montrant comment nous aussi, nous donner aux autres par lui.
Rien n’égale la fête pour apprendre la fraternité, pour faire l’expérience que c’est notre incarnation, c’est-à-dire l’incarnation du Christ, qui nous libère de tous nos préjugés, de toutes nos idéologies et des prisons mentales et sociétales dans lesquelles nous nous enfermons et enfermons les autres. Dans la fête bien faite, nous explorons que nous sommes intimement liés dans la chair à tous les autres êtres vivants, à tous nos frères et sœurs. Rien n’est plus révolutionnaire que cela alors que toutes les idéologies, toutes nos expériences veulent nous faire croire que nous sommes exactement ceci ou cela. Dans la fête nous pouvons être autre. Dans la fête, on voit effleurer que, ce qui nous lie au fond, ce ne sont pas des manipulations ou des idéologies politiques ou partisanes. Ce n’est pas l’intérêt ou l’esprit de groupe mais notre commune et divine humanité. Rien ne nous est plus étranger, à nous qui vivons dans le monde des idées, des partis, des intérêts personnels et des étiquettes, que de faire l’expérience de ce grand mélangeur qu’est une fête où chacun se donne. Dans ces fêtes, on fait l’expérience de l’étrange et parfois de l’étranger. On est appelé à rencontrer des inconnus qu’on devra servir par nos petits soins, notre attention et même parfois notre patience… On y découvre aussi qui on se sent appelé à être, comment on est appelés à servir le peuple de Dieu dans nos frères et sœurs.
Rien n’est plus dangereux, mais rien n’est aussi plus joyeux et plus formateur que ces fêtes pour découvrir qui Dieu veut que nous devenions ensemble. Et pour conclure mon propos, je voudrais m’adresser à toi Cynthia, car aujourd’hui nous célébrons tes 35 ans en tant que directrice de la musique à St Esprit. 35 ans où, comme David, tu nous as guidés par tes dons et ta voix non seulement dans la louange de Dieu mais aussi dans tant de nos grandes célébrations villageoises comme Chantons Noël et Bastille Day. Ta voix, Cynthia, ta conduite, nous a maintenus ensemble, nous a guidés, et nous a montré que Dieu n’a jamais voulu séparer les choses et les gens, mais qu’il a toujours désiré nous tisser en un seul chant, en un seul peuple.
JFAB
Pentecost VIII | Bastille Day
July 14th, 2024
In our democratic nations that are often at the mercy of divisive partisan struggles, national holidays like July 4th or July 14th are moments of respite. For one day, partisan interests give way to a sense of belonging to the same people. What divides us is no longer as important as what unites us. On those days, more than any others, members of a nation share, according to the words of the French historian Fustel de Coulanges, “a community of ideas, interests, affections, memories, and hopes” that make them feel “in their hearts that they are one people.” Parties are the best expression and manifestation of this confused mix of communion, emotions, and common aspirations! In France, July 14th is always an occasion for bals populaires (popular balls) in neighborhoods and villages where people of different ages, origins, and opinions can sing and dance together to the sound of speakers or the accordion. We will also do the same thing in a few moments.
Two of our readings today show us people who are also partying and dancing; during two very different celebrations and atmospheres! In both cases, these stories reveal that partying is always more than just entertainment; it expresses our aspirations and also shapes our character. In the book of Samuel, King David dances before the Ark of the Covenant, the symbol of God’s presence, as he brings it into Jerusalem, the city he built. This celebratory event marks David’s consecration. It shows us a sovereign who, in accordance with Israel’s monarchical ideal, leads his people in the worship of God. This celebration brings together the people of Israel and places God’s presence, the source of blessings, at its heart. The atmosphere is so joyful, so festive, that David forgets himself. In the celebration, he does not care about his respectability in the eyes of the people and even dances almost naked before the Ark under the disapproving eyes of some killjoys. For what is visible is that this entire celebration is focused in one direction, one exaltation, that of the God of Israel who has supported his people through so many adversities, even when they turned away from him.
The Gospel text also shows us a princess dancing, but the spirit guiding her movements is entirely different. In this celebration, organized by Herod, Israel’s puppet king, nothing goes right. Under the guise of rejoicing, what reigns in this party is in fact fear, duplicity, and the captivity of the gaze of all the participants. While a mother manipulates her daughter, making her complicit in a crime, each participant in this terrible celebration prioritizes their interests and reputation. A celebration which should unite people becomes a source of division, and the meal becomes cannibalistic. At King Herod’s court, no one is free to be truly themselves, as David was. To save face in front of his guests, the king even acts against his heart by beheading the prophet he loved to listen to. Instead of leading his people in the celebration of God and his love, this celebration becomes a sign of his own downfall and his inability to care for God’s people.
What these two stories perhaps reveal is the importance of the meaning we give to our parties: their orientation. The joy of celebration is not mere entertainment, an opportunity to give free rein to all our selfish desires and passions that often spring from our desire for power or our fear of lack. The joy of parties is not mere entertainment; it is a joy that can elevate and restore us to the dignity for which God created us, a dignity always restored in company with others. In partying, we have the opportunity to explore who we are individually and as a community because we can meet new people and serve in new ways. The time of celebration is anything but ordinary time. It is a time of liberation and transformation of so many energies that, if not used for the construction of God’s Kingdom, can instead lead to its erosion.
As John the Baptist learned at his expense (and you may have experienced yourself) celebrations are dangerous because we discover that we are always more than we believe ourselves to be. But celebrations are also dangerous because they are times when our whole selves are called on by God. God calls us to follow him with our whole selves, but we are often not ready to give it to him. Yet we follow a God who, during the celebration of Easter, gave himself to us in the course of a party. He offers himself to us, just as John the Baptist was presented to Herod on a platter. God is also the host of this celebration where without fear of the gaze of others, without fear of our past, we can learn to become hosts ourselves. Celebrations are also dangerous because they cost us; they have nothing to do with a bourgeois routine. All the volunteers who participate in preparing our celebrations know how much work, often invisible, they require. But if celebrations are so costly, it is because we are worth no less. Parties, including this party, give us a glimpse of our priceless value, the price Jesus Christ himself pays by giving himself to us and showing us how we too can give ourselves to others through him.
Nothing can equal celebrations for teaching us fraternity; for experiencing that it is our incarnation, that is, the incarnation of Christ, that frees us from all our prejudices, ideologies, and the mental and societal prisons in which we lock ourselves and others. In a party that is well done, we are free to explore our close connections in the flesh to all other living beings, to all our brothers and sisters. Nothing is more revolutionary than this, while all ideologies and experiences want to define us as only this or that. In partying, we can be others. In partying, we glimpse that what binds us deeply is not manipulation or political or partisan ideologies. It is not simply vested interest or a gregarious spirit, but our common and divine humanity.
For those who live in the world of ideas, political parties, personal interests and societal labels, nothing is more foreign to us than experiencing this great mixer that is a celebration where everyone gives themselves. In these parties, we experience the strange and sometimes the stranger. We are called to meet strangers whom we must serve with care, with our attention and sometimes with our patience… We also explore who we feel called to be, how we are called to serve the people of God in our brothers and sisters.
Nothing is more dangerous, but nothing is also more joyful and formative than these celebrations in which we discover who God wants us to become together. And to conclude my remarks, I would like to address you, Cynthia, because today we celebrate your 35 years as Music Director at St. Esprit. For 35 years, like David, you have guided us with your gifts and your voice not only in praising God but also in many of our great village celebrations like Chantons Noël and Bastille Day. Your voice, Cynthia, your leadership, has kept us together, guided us, and shown us that God has never meant to separated things and people, but wishes to weave us into one song, one people.