6 octobre 2024
Job 1:1; 2:1-10; Hébreux 1:1-4; 2:5-12; Marc 10:2-16
Dans l’imaginaire des Écritures, de la liturgie et de la spiritualité chrétienne, il n’existe en fait qu’un seul lieu. Un seul lieu où toute l’histoire de l’humanité et nos histoires personnelles se déploient. Un lieu altéré par notre violence, défiguré par nos péchés et nos négligences, ainsi que par ceux que nous subissons. Un seul lieu où Dieu nous restaure et nous nourrit. Un seul lieu où, comme sur une scène unique, se joue toute l’action et la parole de l’œuvre de Dieu et de l’humanité. Ce lieu, c’est un jardin.
Tous les lieux importants des Écritures rappellent un jardin clos, perché sur une hauteur. Un jardin que « le Seigneur Dieu planta » d’abord « au pays de Délices » car c’est ce que signifie le mot Éden, « pour y placer l’être humain qu’il avait façonné » (Genèse 2:8). C’est dans ce jardin que Dieu place les humains, tout comme il y plante les arbres, donnant seulement aux arbres et humains, entre toutes ses créatures, le commandement de croître, de se multiplier et de porter du fruit.
Dans la lecture de la lettre aux Hébreux que nous avons entendue, nous apprenons que Dieu lui-même est venu se planter dans notre monde, en Jésus. Il est venu se planter en nous. Alors que nous nous maltraitons, que nous suivons toutes sortes de faux dieux, reflets de nos égos qui nous conduisent à la mort, Dieu lui-même vient à notre rencontre, il vient en nous, il s’interpose. En bon jardinier qu’il est, le Bon Dieu n’entre pas dans ce monde, en nous, en écrasant ou retournant tout. Il vient avec douceur, comme une graine tombée à terre, enfoncée par l’orage, qui germe et se déploie.
En naissant parmi nous, en vivant comme nous et en souffrant avec nous, Jésus s’abandonne comme une petite graine dans le compost fertile de nos péchés. Il s’y abandonne au point de mourir sur un arbre mort, dans le jardin désolé que nous avons saccagé. Mais son don et son abandon, comme la pousse d’un arbre qui croît, étend ses racines et ses branches dans toute la création. Rien, nous dit cette lettre, n’est en dehors de cette nouvelle gloire du Christ, cette gloire qui comprend la mort. Rien de ce pouvoir, de cette gloire que le Christ a acquise en se donnant et s’abandonnant à nous, n’est pour lui seul. Il veut, comme un arbre généreux, partager généreusement ses fruits, son ombrage, et sa fertilité avec nous.
Le Christ est le pionnier, le premier grain planté, qui portera de nouvelles récoltes de génération. Cette récolte, c’est l’Église, visible et invisible, partout où elle croît, où elle lutte. Ce jardin, cette Église, est un témoignage vivant que Dieu veut notre bien. Nous en goûtons les fruits dans les plus petits gestes d’affection, de don de soi, et d’écoute, que l’on peut donner ou recevoir, dans l’Église et au-delà. La générosité et l’amour du Christ se voient dans l’histoire de cette vieille Église, qui, malgré les tempêtes, ne s’est pas déracinée. La bonté de Dieu, nous la voyons aussi dans celles et ceux qu’il nous donne pour nous guider dans ce jardin extraordinaire, où son Fils lui-même, sur l’arbre de la croix, nous dit : « Prenez et mangez.»
Nigel, JB, quand vous êtes arrivés à Saint-Esprit il y a trente ans, c’était aussi des circonstances pénibles – notamment le fait d’être un couple binational et LGBT – qui vous ont fait entrer dans ce jardin inattendu, cette petite Église française de Saint-Esprit à New York. Et pourtant les difficultés de nos vies, comme celles que Job a connues, nous forment souvent à devenir nous-mêmes des faiseurs de miracles pour les autres, à condition que, comme le Christ, et comme vous, nous les acceptions avec foi, confiance et amour.
Saint-Esprit, tu m’as dit, Nigel, « just needed a bit of love ». Pour traduire l’euphémisme anglais en français, Saint-Esprit avait besoin de BEAUCOUP d’amour. Et cet amour, tu l’as donné pour faire de ce qui aurait pu rester une sinécure, l’Église ouverte, accueillante, dévouée et infatigable que nous connaissons aujourd’hui. Comme une graine dans la terre, il y a eu des moments où le travail que tu faisais n’était ni visible, ni compris, ni applaudi ; mais l’amour que tu as donné, lui, n’a jamais cessé de vivre et de grandir, car c’est l’amour de Dieu. C’est cela le travail de l’Église auquel tu as dévoué ta vie et dans lequel tu nous formes comme notre maitre-jardinier : le travail de tous les jardiniers qui ne comptent pas leurs heures ni leurs efforts pour faire fleurir ne serait-ce qu’une petite fleur, ou porter un seul fruit.
Comme le Christ qui, en venant dans le monde, est né notre frère et nous a fait entrer dans la famille de Dieu, tu as aussi fait de Saint-Esprit une famille, alors que tu avais laissé la tienne en Europe. Saint-Esprit est devenu un foyer chaleureux, cozy, le plus merveilleux living mess, la plus invraisemblablement anglaise des églises françaises à New York. Grâce à tes soins, cette vieille institution ne s’est pas reposée sur ses lauriers, mais est devenue une famille où, même déracinés et replantés, nous pourrons fleurir et porter ensemble du fruit pour les prochaines générations. Ceux qui n’ont plus de place dans leur pays, quel qu’il soit, trouvent ici un foyer. Ceux qui ne trouvaient pas Dieu ailleurs, peuvent le retrouver ici. Un jardin où personne n’est trop petit ou trop abîmé pour y fleurir. Merci, Nigel. Avec ton humilité et ton humour (des mots de la même famille que l’humus des jardins), tu nous montres sans tralala, at ground level, comment Dieu nous aime et nous apprend à y répondre de la même façon, hardiment, librement et avec joie.
Prions. Père éternel, nous t’offrons aujourd’hui notre amour et nos infinies remerciements pour ta moisson abondante, visible dans cette Église et dans tous les fruits que Nigel a portés ces trente dernières années. Pour ton pasteur fidèle, ô Seigneur, nous t’offrons un chant nouveau, toi qui fais toutes choses nouvelles et nous rassemble en une seule harmonie. À toi, Seigneur, soient la louange et la gloire, dans l’Église et en Jésus-Christ, pour toutes les générations des siècles. Amen. JFAB
Pentecost XX October, 6th 2024 Job 1:1; 2:1-10; Hebrews 1:1-4; 2:5-12; Mark 10:2-16
In the imagination of Scripture, liturgy and Christian spirituality, there is really only one place. A single place where all human history and our personal stories unfold. A place altered by our violence, disfigured by our sins and negligence, and by those we suffer. A single place where God restores and nourishes us. A single place where, as if on a single stage, all the action and words of the work of God and humanity are played out. This place is a garden.
All the important places in Scripture recall an enclosed garden, perched on a hill. A garden that “the Lord God planted” first of all “in the land of Delights”, as the word Eden means, “to place there the human being he had formed” (Genesis 2:8). It is in this garden that God places humans, just as he plants trees, giving only to trees and humans, among all his creatures, the command to grow, multiply and bear fruit.
In the reading we heard from the letter to the Hebrews, we learn that God came to plant himself in our world, as Jesus. He came to plant himself in us. While we abuse ourselves, while we follow all kinds of false gods, reflections of our egos that leads us to death, God himself comes to meet us, he comes into us, he interposes himself. Like the good gardener that he is, the Good Lord doesn’t come into this world, into us, crushing or turning over everything. He comes with gentleness, like a seed that has fallen to the ground, buried by the storm, which germinates and unfolds.
By being born among us, living like us and suffering with us, Jesus gives himself up like a tiny seed in the fertile compost of our sins. He gives himself up to the point of dying on a dead tree, in the desolate garden we’ve laid waste to. But his gift and surrender, like the shoot of a growing tree, spreads its roots and branches throughout creation. Nothing, this letter tells us, is outside this new glory of Christ, this glory that includes death. None of this power, none of this glory that Christ acquired by giving himself and surrendering himself to us, is for him alone. He wants, like a generous tree, to generously share its fruit, its shade, and its fertility with us.
Christ is the pioneer, the first seed planted, which will bear new harvests from generation to generation. This harvest is the Church, visible and invisible, wherever it grows, wherever it struggles. This garden, this Church, is a living testimony to God’s will for our good. We taste the fruits of this in the smallest gestures of affection, self-giving and listening that we can give or receive, in the Church and beyond. The generosity and love of Christ can be seen in the history of this old congregation, which, despite the storms, has not been uprooted. We also see God’s goodness in those he gives us to guide us through this extraordinary garden, where his Son himself, on the tree of the cross, tells us: “Take and eat.”
Nigel, JB, when you arrived at Saint-Esprit thirty years ago, it was also painful circumstances – not least being a bi-national and LGBT couple – that brought you into this unexpected garden, this little French Church of Saint-Esprit in New York. And yet the difficulties of our lives, like those experienced by Job, often train us to become miracle-workers ourselves for others, provided that, like Christ, and like you, we accept them with faith, trust and love.
Saint-Esprit, you said to me, Nigel, “just needed a bit of love.” To translate the English euphemism en français, Saint-Esprit needed a LOT of love. And you gave that love to turn what could have been a sinecure into the open, welcoming, dedicated and tireless Church we know today. Like a seed in the ground, there were times when the work you did was neither visible, nor understood, nor applauded; but the love you gave never ceased to live and grow, because it is God’s love. This is the work of the Church to which you have devoted your life and in which you are training us as our master gardener: the work of all gardeners who count neither their hours nor their efforts to make even a single flower bloom, or bear a single fruit.
Like Christ who, in coming into the world, was born our brother and brought us into the family of God, you have also made Saint-Esprit a family, when you had left yours in Europe. Saint-Esprit has become a warm, cozy home, the most wonderful living mess, the most improbable English French church in New York. Thanks to your care, this old institution has not rested on its laurels, but has become a family where, even uprooted and replanted, we can flourish and bear fruit together for generations to come. Those who no longer have a place in their country find a home here. Those who couldn’t find God elsewhere can find him here. Here is a garden where no one is too small or too damaged to flourish. Thank you, Nigel. With your humility and humor (words from the same family as the humus of the garden), you show us sans tralala, at ground level, how God loves us and you teach us to respond in the same way, boldly, freely and joyfully.
Let us pray. Eternal Father, we offer you today our love and infinite thanks for your abundant harvest, visible in the Church and in all the fruit Nigel has borne over the past thirty years. For your faithful pastor, O Lord, we offer you a new song, you who make all things new and bring us together in one harmony. To you, O Lord, be praise and glory, in the Church and in Jesus Christ, from generation to generation. Amen.
JFAB