Pentecôte XVII 15 septembre, 2024 Proverbes 1 :20-33 Jaques 3 :1-12 Marc 8 :27-28
Il existe en français un tout petit préfixe qui peut se placer devant presque tous les mots. Il peut s’ajouter à la majorité des verbes et, même dans le langage courant ou familier, aux noms, adjectifs et adverbes. Ce petit préfixe permet avec une grande créativité et beaucoup de concision d’exprimer deux réalités parfois un peu contradictoires : le retour et le renouvellement. Vous l’avez deviné, c’est ce petit « re », qu’on entend dans la Rentrée ! Rebonjour ! Revoilà Joris qui reprêche aujourd’hui.
Aujourd’hui, c’est donc la rentrée à Saint-Esprit. Nous reprenons à partir d’aujourd’hui toutes nos activités paroissiales qui s’étaient interrompues pendant le mois d’août : prières du matin et du soir, études bibliques, groupes de jeunes adultes, communions et festivals. Nous relançons également nos cours de français gratuits. Les lauréats de nos bourses, qui vont les recevoir tout à l’heure, vont également reprendre leurs études. En cette rentrée, nous nous tournons à nouveau vers ce que nous connaissons, nous reprenons nos habitudes, nos repères et nos traditions dans l’église et dans la ville.
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus demande à ses plus proches disciples quelle est l’opinion des gens à son sujet. « On dit, lui répondent-ils, que tu es Jean-Baptiste, Élie, ou l’un des prophètes. » Dans tous les cas, les gens pensent que Jésus est quelqu’un qui revient, une ré-itération, une ré-incarnation d’un des grands porte-parole de Dieu qu’Israël a connu. Même Pierre, lorsqu’il reconnaît en Jésus le Christ, c’est-à-dire le Messie, celui qui doit accomplir la réconciliation du monde entier à Dieu, se trompe. Car le Messie qu’il pense voir en Jésus n’est pas le Messie que Jésus est. Pierre imagine un Christ impeccable, un chef qui apportera la victoire comme il la veut et donnera à ses disciples des positions enviables. Or, Jésus commence à expliquer à ses disciples quel sera son chemin : il va beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les spécialistes des Écritures ; il va être tué, et après trois jours, il ressuscitera. Alors Pierre le reprend : ce n’est pas ainsi qu’il imaginait le renouveau, la réconciliation et la guérison de toutes choses par Dieu. Jésus doit rentrer Jésus comme il l’entend.
Cette saison de rentrée nous place aussi face à nos propres dilemmes de vie, personnels et communautaires. Peut-être commencez-vous un nouveau travail ou de nouvelles études ? Dans deux mois, ce pays choisira aussi un nouveau président. Dans toutes ces nouvelles situations, face à des réalités nouvelles qui vont se présenter ou d’autres que nous croyons bien connaître, les mêmes questions vont se poser à nous, tout comme elles se posaient à Pierre. Allons-nous essayer de faire entrer tant bien que mal nos nouvelles expériences dans ce que nous connaissons déjà ? Allons-nous rester prisonniers des mêmes peurs, des mêmes idées et habitudes qui ne nous donneront pas la vie ? Ou bien serons-nous prêts à emprunter de nouvelles voies, à apprendre de nouvelles manières d’être ? En cette rentrée, voulons-nous faire rentrer tant bien que mal ce qui se présentera à nous – les difficultés, les défis, les relations – dans ce que nous avons toujours connu, ou ferons-nous le choix radical de la foi en entrant, nous-mêmes, dans cette vie entière, généreuse et libre à laquelle le Christ nous appelle ?
Il n’y a pas une seule manière d’entrer dans la vie du Christ, mais elles ont toutes en commun de commencer par une forme d’abandon, d’oubli de soi, de perte. Non pas parce qu’il faut s’anéantir, s’humilier ou se mortifier, mais parce que notre égo est souvent un écran qui nous empêche d’être réconciliés, guéris, libres. C’est ce que décrit le Christ lorsqu’il annonce : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. » Et, heureusement pour notre petite église, on peut « perdre sa vie » à cause de Christ de plein de façons différentes qui n’impliquent pas toujours de sans sortir de l’église les pieds devant. L’une d’entre elles, la première peut-être, est celle de l’enfant : accepter d’être enseigné, de s’ouvrir aux autres et à notre propre vie intérieure. Cette écoute, cultivée par la répétition, nous permet d’apprendre une nouvelle langue, comme nos étudiants de français le feront encore cette année. En abandonnant leur intelligence, leur mémoire et leur temps à l’étude du français, ils s’ouvriront à d’autres réalités, non seulement dans le monde, mais aussi en eux-mêmes. Les efforts qu’il feront pour apprendre une nouvelle langue ne leur permettra pas seulement de communiquer avec d’autres personnes, ils les ouvrent à d’autres aspects de leur vie intérieure. Des réalités brisées en anglais seront peut-être guéries en français.
Notre église est une école pour nous tous, et pas seulement une école de français. C’est d’abord une école de l’humanité divine. Nous pouvons aussi choisir d’entrer à nouveau en communion les uns avec les autres, d’y faire notre rentrée. Par cette petite porte, nous pouvons également entrer plus profondément en communion avec les besoins et les destins de notre ville et de ses habitants, dont nous faisons partie depuis bientôt 400 ans. Cela pourra se faire, bien sûr, par nos prières communes, par l’étude des Écritures dans nos études bibliques, par les dons généreux que vous faites d’années en années et qui soutiennent celles et ceux dans le besoin. Mais cela se fera aussi par tous nos événements et activités, où vous êtes invités à venir perdre joyeusement vos vies en partageant librement vos dons d’accueil, de chef, d’écoute, de services en tous genre. Car c’est ici l’école où l’on peut apprendre à se donner, ou plutôt à se rendre à Dieu et aux autres sans peur et sans jugement. Par l’église on peut entrer toujours plus en relation avec la réalité de nos vies, toutes nos vies.
Alors, tous ensemble, même si nous sommes petits, petits comme le Christ, petits comme le gouvernail d’un bateau, nous pouvons regagner le port. À bord, notre langage commun n’est pas tant celui des préfixes ou des suffixes, des verbes conjugués irréguliers ou des adverbes, mais celui du service, de la patience, de l’attention à ceux qui nous enseignent la langue de Dieu, c’est-à-dire à tous nos frères et sœurs et à toute la création. Petits comme le préfixe « re- », mais pleins de potentiel, nous serons renouvelés en nous retrouvant toujours de nouveau. Alors, revenons encore une fois, rentrons à la maison, car nous y sommes attendus.
JFAB
Pentecost XVII
In French, there’s a tiny prefix that can be placed in front of almost any word. It can be added to most verbs and, even in everyday or colloquial language, to nouns, adjectives and adverbs. This little prefix can be used creatively and concisely to express two sometimes somewhat contradictory realities: return and renewal. As you may have guessed, it’s that little “re” you hear in Rentrée! Hello again! Joris is back on the job today. It’s back to school time at Saint-Esprit. Starting today, we resume all our parish activities that were suspended during the month of August: morning and evening prayers, Bible studies, young adult groups, communions and festivals. We are also relaunching our free French courses. Our scholarship awardees will also be resuming their studies. As the new school year begins, we’re returning to what we know; to our habits, landmarks and traditions in the church and in the City.
In today’s Gospel, Jesus asks his closest disciples what people think of him. “They say,” they reply, ”that you are John the Baptist, Elijah, or one of the prophets.” In each case, people think that Jesus is someone who is coming back: that he is a re-iteration, a re-incarnation of one of the great spokesmen of God that Israel knew. When Peter recognizes Jesus as the Christ, i.e. the Messiah, the one who is to accomplish the reconciliation of the whole world to God, even he is mistaken. Because the Messiah he thinks he sees in Jesus is not the Messiah who Jesus is. Peter imagines an impeccable Christ, a leader who will bring the victory that Peter himself wants, and then give his followers enviable positions. But Jesus begins to explain to his disciples what his path will be: he will suffer greatly, be rejected by the elders, the chief priests and the Scripture scholars; he will be killed, and after three days, he will rise again. Then Peter rebukes him: this is not how he imagined renewal, reconciliation and God’s healing of all things. According to Peter, Jesus must get back to the sort of Jesus that he imagines.
This back-to-school season also brings us face to face with our own life dilemmas, both personal and communal. Perhaps you’re starting a new job or new studies? In two months’ time, this country will also choose a new president. In these new situations, in the face of new realities that arise, or others that we think we know well, the same sort of questions will arise for us as they did for Peter. Will we try to fit our new experiences as best we can into what we already know? Will we remain prisoners of the same fears, ideas and habits that won’t give us life? Or will we be ready to take new paths, to learn new ways of being? As the new school year begins, do we want to fit whatever comes our way – difficulties, challenges, relationships – into what we’ve always known, or will we make the radical choice of faith and enter, ourselves, into this whole, generous and free life to which Christ calls us?
There is no single way to enter into the life of Christ, but all those ways have something in common. They begin with a form of abandonment, of self-forgetfulness, of loss. Not because we need to annihilate, humiliate or mortify ourselves, but because our ego is often a screen that prevents us from being reconciled, healed and free. This is what Christ describes when he announces: “Whoever wants to save his life will lose it; but whoever loses his life for my sake and for the sake of the Gospel will save it.” And, fortunately for our little church, you can “lose your life” for Christ’s sake in lots of different ways that don’t always involve walking out of church feet first. Perhaps the first of these ways is that of the child: to accept to be taught, to open up to others and to our own inner life. This listening, cultivated through repetition, enables us to learn a new language, as our French students will be doing again this year. By surrendering their intelligence, memory and time to the study of French, other realities will open up for the,not only in the world, but also within themselves. Their efforts to learn a new language will not only enable them to communicate with other people, they will open them up to other aspects of their inner life. Realities broken in English may be healed in French.
Our church is a school for all of us, not just a French school. It is first and foremost a school of divine humanity. We can also choose to enter again into communion with one another, to make our re-entry. Through this small door, we can also enter more deeply into communion with the needs and destinies of our town and its inhabitants, of which we have been a part for almost 400 years. Of course this can be done through our prayers together, through the study of Scripture in our Bible studies, through the generous donations you make year after year to support those in need. But this deepening will also happen through all our events and activities, where we are all invited to come and joyfully lose our lives as we freely share our gifts of hospitality, leadership, listening and service of all kinds. Because this is the school where we can learn to give ourselves, or rather to surrender ourselves, to God and to others without fear or judgment. Through the church, we can enter into an ever-closer relationship with the reality of our lives; all our lives.
Then all together, even if we are small, small like Christ, small like the rudder of a ship, we can return to the harbor. On board, our common language is not so much that of prefixes or suffixes, irregular conjugated verbs or adverbs, but that of service, of patience, of attention to those who teach us the language of God, that is, to all our brothers and sisters and to all creation. Small as the prefix “re-”, but full of potential, we will be renewed by always finding ourselves anew. So, let’s come back once again, let’s go home, for that is where we are joyfully expected.
JFAB