Vendredi Saint 2025
Des représentations de la crucifixion qui font semblant d’être fidèles aux événements « tels qu’ils se seraient passés » peuvent parfois être trompeuses. Une image comme celle sur notre bulletin d’aujourd’hui peut donner l’impression que la mort de Jésus est un événement hors du temps et solitaire, une sorte de concept lointain qui agirait sur nos vies à distance. En Jésus-Christ, Dieu est mort pour nous sauver, l’ardoise de nos dettes est effacée, et un nouveau commencement nous est offert. Cela est vrai — mais ce n’est pas tout.
La crucifixion de Jésus, cette mort de Dieu par amour pour nous dont nous sommes témoins aujourd’hui, est tout sauf un événement révolu. Aujourd’hui, nous nous tenons autant au pied de la croix du Christ qu’au pied de tous les êtres humains — et êtres vivants — qui souffrent à cause de la violence, des guerres, des injustices, des discriminations et des maladies, ici et à travers le monde. Aujourd’hui, nous sommes au pied de toutes les mauvaises nouvelles que nous recevons. Aujourd’hui, nous communions à cette souffrance en contemplant le Christ en croix — Dieu en croix — dont la souffrance et la mort ne les résument pas, mais embrassent et portent toutes souffrances.
La croix est tout sauf un événement passé : elle est plus que jamais une manière de vivre authentiquement dans ce monde obscur. Elle nous permet de discerner, comme une pierre de touche, non seulement la valeur du Christ, mais aussi la nôtre — si nous acceptons de nous y frotter. Les pierres de touche étaient des pierres très dures sur lesquelles les essayeurs, ceux qui testaient les métaux, évaluaient la qualité d’un alliage. Sur ces pierres, ils frottaient côte à côte le métal à tester et un échantillon de métal dont ils connaissaient la valeur, avant de verser sur les deux un acide spécial. Si la réaction du métal à tester était similaire à celle du métal de référence, alors on savait qu’il s’agissait d’un métal de qualité.
La croix est pour nous cette pierre de touche. Cette réalité dure et terrible contre laquelle nous nous frottons chaque fois que nous souffrons, chaque fois que nous goûtons aux angoisses ou douleurs qui nous rongent. Elle est aussi cette pierre qui nous aide à discerner ce qui, dans notre vie, ressemble vraiment au Dieu crucifié — ce Dieu qui n’a pas hésité à se frotter lui-même à cette dure pierre, non pour prouver sa propre valeur, mais pour révéler celle des autres, et nous faire partager son prix et sa gloire.
Dans quelques instants, vous serez invités à vénérer le bois de la croix en le touchant ou en l’embrassant. Nous ne l’embrassons pas comme un instrument de torture et de mort, un accessoire de la Passion du Christ. Nous le touchons et l’embrassons parce que nous désirons qu’il nous touche et nous embrasse, qu’il nous transforme comme il a révélé de façon nouvelle la vie et la gloire de celui qui l’a porté.
Nous prions, en le touchant, pour qu’il transforme notre intelligence, nos plans, nos grandes idées sur nous-mêmes, sur les autres, et sur le monde. Nous prions en le touchant pour qu’il donne aux chefs des nations et de ce pays de servir et suivre celle et ceux qui partagent les souffrances du Christ en tant qu’immigré, étrangers, exclus et rejetés. Nous prions, en le touchant, pour qu’il touche le monde entier — et lui révèle cette gloire insoupçonnée que l’on découvre lorsqu’on renonce à faire la preuve de soi-même.
Good Friday
Some representations of the crucifixion that pretend to be faithful to the events “as they might have happened” can sometimes be misleading. An image like the one on our bulletin today may give the impression that Jesus’ death is a timeless and solitary event, a kind of distant concept that acts on our lives from afar. In Jesus Christ, God died to save us, our slate has been wiped clean, and a new beginning has been offered to us. This is true — but it is not the whole story.
The crucifixion of Jesus — the death of God out of love for us which we witness today — is anything but a thing of the past. Today, we stand just as much at the foot of Christ’s cross as at the feet of all human beings — and all living beings — who suffer because of abuse, war, injustice, discrimination, and disease, here and throughout the world. Today, we stand at the foot of all the bad news we hear. Today, we enter into that suffering by contemplating Christ on the cross — God on the cross — whose suffering and death do not sum it up, but rather embrace and carry all suffering.
The cross is anything but a past event: more than ever, it is a way to live authentically in this dark world. Like a touchstone it allows us to discern not only the value of Christ, but also our own value — if we are willing to be tested by it and accept it as the sign of God’s crazy love for us. Touchstones were very hard stones on which assayers (those who tested metals) assessed the quality of an alloy. They would rub the test metal on these stones, alongside a sample of known value, then pour a special acid over both. If the reaction of the test metal resembled that of the reference sample, then it was known to be of quality.
The cross is our touchstone. It is that harsh and terrible reality we rub against each time we suffer, each time we feel the anxieties or pains that gnaw at us. It is also the stone that helps us discern the places in our lives that truly resemble the crucified God — that God who did not hesitate to rub himself against that hard stone, not in order to prove his own worth, but to reveal the worth of others, and to share with us his price and his glory.
In a few moments, you will be invited to venerate the wood of the cross by touching or kissing it. We do not kiss it as an instrument of torture and death, a prop from Christ’s Passion. We touch and kiss it because we long for it to touch and embrace us, to transform us, as it revealed in a new way the life and glory of the one who bore it.
As we touch it, we pray that it may transform our minds, our plans, our fake ideas about ourselves, about others, and about the world. We pray, as we touch it, that it may inspire the leaders of the nations and of this country to serve and follow those who share in Christ’s suffering — the immigrant, the foreigner, the excluded, the rejected. We pray, as we touch it, that it may touch the whole world — and reveal to it that unexpected glory which is discovered when we cease trying to prove ourselves.