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Pentecôte IV           16 juin, 2024           I Samuel 15 :34-16 :13   II Corinthiens 5 :6-17    Marc 4 :26-34

En 2022 la France a connu une pénurie de moutarde, similaire aux pénuries de papier toilette que nous avons eues pendant la pandémie. Plusieurs causes ont été avancées pour expliquer cette disette du troisième condiment préféré des français et des françaises, après le sel et le poivre. C’est d’abord la peur qui en a été la cause, effrayés à la perspective de manquer de moutarde pour leur vinaigrette ou leur barbecue, les français ont fait des stocks chamboulant toute la chaine de production d’un produit qui d’habitude se consomme lentement… Il se trouve aussi que l’année précédente le Canada, principal producteur de graines de moutarde dans le monde, a connu de mauvaises récoltes à cause du réchauffement climatique. La guerre en Ukraine a réduit la production de graines de moutarde. En France, enfin, l’interdiction de certains insecticides dangereux a aussi conduit à une réduction des récoltes. Les plants de moutarde sont apparemment très sensibles aux insectes et au manque d’eau. Souvent qualifiée de mauvaise herbe, ils gardent encore un peu leur côté sauvage, au grand dam des industriels de l’agroalimentaire qui espèrent bien développer dans les années à venir des plants plus obéissants. En 2022, donc, le géant de la moutarde Maille-Amora, principal industriel de la fameuse moutarde de Dijon et qui fait partie du géant de l’agroalimentaire Unilever dont les marques sont utilisées tous les jours par 42% des humains de cette planète, a été ébranlé par ces petites graines. Un gigantesque empire, que le site ethicalconsummer.org pointe du doigt pour son mésusage de produits toxique, ses abus sur les animaux, ses attaques contre les droits humains et des travailleurs, Unilever qui développe aussi un marketing mensonger, des activités de lobbying politiques, pratique une finance antisociale et cherche par tous les moyens à éviter l’impôt, ce géant, donc, un des principaux agents de la crise climatique, a été secoué par de toutes petites graines de moutardes.

Quand on voit le pouvoir que peuvent avoir de toutes petites graines, il n’est pas surprenant de que Jésus lui-même les utilise pour semer le règne intempestif de Dieu dans les esprits de ceux qui l’écoutent. Dans la Bonne Nouvelle que nous avons entendue aujourd’hui, Jésus nous donne deux petites histoires, deux petites paraboles pour nous faire entrer dans le règne de Dieu. Je dis « entrer dans le règne de Dieu » car Jésus ne s’adresse pas seulement à notre intelligence par des paraboles, il ne nous « dieusplique » pas le règne de Dieu, il ne nous le mecsplique pas non plus. Les paraboles ne sont pas là pour nous dire « ce qui est vrai » mais pour nous faire entrer dans la la vie, le chemin, la vérité. Les paraboles sont une méthode de formation exceptionnel, holistique, très différentes des idéologies qui essaient de nous coloniser ou des informations qui veulent occuper notre esprit. Leur pouvoir réside dans le fait qu’elles piquent notre curiosité pour nous convertissent. Elle ne sont pas un « contenu » à « assimiler ». En cela elle ressemble beaucoup aux graines qui sont le thème même des histoires que Jésus raconte. Une graine ne germe, devient une plante et porte du fruit que si elle est reçue dans un terrain favorable, et ce terrain, c’est tout ce que nous sommes, notre expérience, nos sens, notre intelligence, notre imagination, nos communautés… Ces paraboles nous font entrer dans la vie, quand nous les regardons de tous les côtés, quand nous jouons avec elles dans notre vie et que nous en laissons croitre tout le potentiel de transformation, de bouleversement qu’elles contiennent. Plantons-les donc en nous-mêmes.

Le règne de Dieu ressemble à un semeur ou une semeuse qui jette la semence dans son champ et ne sait pas comment elle pousse, mais suit sa croissance et, le temps venu, la récolte. Le semeur ne sait pas exactement pourquoi ni comment elle pousse, il n’a pas besoin de le savoir d’ailleurs, mais il ou elle peut être attentif à sa pousse et, le moment venu, en récolter les fruits et se réjouir. On peut tirer bien des méditations de cette petite histoire, mais ce qui est sûr c’est qu’elle est pour nous un encouragement. Car le règne de Dieu dans lequel Jésus nous invite par cette parabole ne dépend pas de nous. On est appelés à collaborer avec Dieu, c’est même la condition nécessaire à notre heureuse récolte, mais nous n’avons pas à nous soucier des détails. Notre attention amoureuse est tout ce qui compte, le reste, Dieu y pourvoira. C’est une manière de vivre bien différente de celles et ceux qui, à force de contrôle, de savoir, d’expertise finissent par croire qu’ils sont eux-mêmes la source du bien qui leur arrive et qu’ils distribuent « généreusement » aux autres. Le règne de Dieu nous décentre de nous-mêmes pour nous faire croitre en Dieu, lui qui fait vivre toute chose vraiment vivante. La manière dont on cultive cette incroyable champ c’est la prière, la contemplation, l’attention, le service. Madeleine Delbrêl, l’assistante sociale catholique, disait que « prier ce n’est pas être intelligent, c’est simplement être là ». Notre monde est déjà plein de gens prêts à expliquer tout sur tout, mais on voit très peu de personnes vraiment à l’écoute et présents aux besoins du moment.

La deuxième parabole que nous raconte Jésus nous fait aussi entrer dans le règne de Dieu qui renverse l’ordre du monde, c’est un règne qui choque le statu quo, nos arrangements égoïstes et intéressés. Laissons un peu cette parabole germer en nous ! Ses premiers auditeurs, qui connaissaient bien les écritures hébraïques, ont sûrement été surpris, choqués ou amusés que Jésus compare le règne de Dieu à de la moutarde. Dans l’Ancien Testament, Dieu se compare à plusieurs reprises à de grands arbres, souvent un cèdre, sous lequel les créatures se rassemblent et sont protégées. Les gigantesques cèdres, ces arbres centenaires qui poussent sur le haut des montagnes du Liban sont des arbres royaux, des arbres de luxes, importés d’ailleurs à grand prix de l’étranger pour construire le temple de Jérusalem… Et voilà que Jésus nous dit, oui, le règne de Dieu est une grande plante, qui peut nous protéger, mais pas celle que vous croyez ! Le règne de Dieu n’est pas un arbre de luxe, qui pousse lentement à l’étranger mais une plante potagère qui pousse vite et haut, qui envahit tout, une plante que vous connaissez ! Voilà qui est très encourageant je trouve. Pour entrer dans le règne de Dieu on n’a pas à essayer d’imiter de grands saints, de puissants cèdre, mais à être ces graines intempestives, libres, annuelles. Le règne de Dieu, peut germer n’importe où. Il est intempestif, il est fort comme la moutarde. Ce n’est pas un arbre vénérable et intouchable, c’est ici et maintenant, il vous ressemble. Le règne de Dieu ressemble à celles et ceux qui ne possèdent pas grand-chose mais qui poussent dans le champ des grands magnats de l’agroalimentaire. Le règne de Dieu grandit de ces petites graines que nous semons, dans notre petite église qui, à l’échelle de cette mégalopole, n’est guère plus grande qu’un grain de moutarde.

Chaque fois qu’on modèle notre vie sur cette petite graine, nous pouvons assaisonner le monde du goût piquant du règne de Dieu. C’est Dieu qui fait pousser mais nous pouvons, comme le semeur, prendre soin de son champ par tant de petites attentions, d’actes de volontariat. Dans les semaines à venir nous aurons plusieurs réceptions à St Esprit. Ces réceptions, comme ces paraboles, ne sont pas seulement amusantes – même si elles le sont sûrement ! Elles sont l’occasion, par tous les petits gestes que vous ferez, toutes l’attention que vous porterez aux autres, d’être vous aussi de petits grains de moutarde qui, dans le jardin de l’église pousseront pour donner un refuge à des oiseaux fatigués. Je l’ai vu encore, pas plus tard que mardi quand le groupe de jeunes adultes s’est retrouvé dans le jardin. L’amitié qu’on se donne en se donnant mutuellement, c’est cela qui est la matière du règne de Dieu. A l’échelle de cette ville, à l’échelle des multinationales, nos fêtes ne sont pas grand-chose, mais par la communion qu’elles produisent, les rencontres qui y naissent, le règne de Dieu prend racine et s’étend. Dieu sait que dans ce monde où nous sommes, nous avons besoin de la foi de la petite graine de moutarde pour réveiller le monde et c’est pour ça qu’il nous la donne.

 

Pentecost IV
June 16, 2024
I Samuel 15 :34-16 :13   II Corinthians 5 :6-17  Mark 4 :26-34

In 2022, France experienced a shortage of mustard, similar to the toilet paper shortages we experienced during the pandemic. Several reasons have been put forward to explain this shortage of the third favorite condiment of French people, after salt and pepper. First and foremost, fear was to blame: frightened by the prospect of running out of mustard for their vinaigrettes or barbecues, the French stockpiled mustard, disrupting the entire production chain for a product that is used up slowly… The previous year, Canada, the world’s main producer of mustard seeds, suffered crop failures due to global warming. The war in Ukraine reduced mustard seed production. In France, the ban on certain dangerous insecticides has also led to a reduction in harvests. Mustard plants are apparently very sensitive to insects and lack of water. Often referred to as a weed, they still retain a certain wildness, much to the chagrin of the agri-food industry, which hopes to develop more obedient plants in the years to come. So, in 2022, mustard giant Maille-Amora, (the main producer of the famous Dijon mustard and part of food giant Unilever, whose brands are used every day by 42% of the world’s population), was shaken up by these little seeds. Unilever, a gigantic empire, singled out by the ethicalconsummer.org website for its misuse of toxic products, its abuse of animals, its attacks on human and workers’ rights and which also engages in deceptive marketing, political lobbying, antisocial finance and tax avoidance; this giant corporation, one of the main agents of the climate crisis, was shaken to its core by tiny mustard seeds.

When we see the power that tiny seeds can have, it’s not surprising that Jesus himself uses them to sow the untimely reign of God in the minds of those who listen to him. In the Good News we heard today, Jesus gives us two little stories, two little parables to help us enter into God’s reign. I say “enter into the reign of God” because Jesus doesn’t just address our intelligence with parables, he doesn’t “Godsplain” the reign of God for us, nor does he mansplain it. Parables are not there to tell us “what is true”, but to help us enter into the life, the way, the truth. Parables are an exceptional, holistic training method, very different from the ideologies that try to colonize us or the packages of information that want to occupy our minds. The power of parables lies in the fact that they pique our curiosity and convert us. They are not “content” to be “assimilated”. In this respect, they are very much like the seeds that are the theme of the stories Jesus tells. A seed germinates, becomes a plant and bears fruit only if it is received into favorable soil. This this soil is all that we are: our experiences, our senses, our intelligence, our imagination, our communities… When we look at them from all sides, when we play with them in our lives and let them grow to their full potential for transformation and upheaval, these parables bring us into life. So, let’s plant them in ourselves.

God’s reign is like a sower who casts seed in his field. He doesn’t know how it grows, but follows its growth and, when the time comes, reaps it. The sower doesn’t know exactly why or how it grows, nor does he or she need to, but he or she can be attentive to its growth and, when the time comes, reap its fruits and rejoice. We can draw many meditations from this little story, but what is certain is that it encourages us. Because the reign of God to which Jesus invites us in this parable does not depend on us. We’re called to collaborate with God. That is even the necessary condition for our happy harvest; but we needn’t worry about the details. Our loving attention is all that counts; the rest, God will provide. This is a very different way of living from those who, by dint of control, knowledge and expertise, end up believing that they themselves are the source of the good that happens to them and that they “generously” go on to distribute to others. The reign of God decenters us from ourselves to make us grow in God, who makes all things truly alive. The way to cultivate this incredible field is through prayer, contemplation, attention and service. Madeleine Delbrêl, the Catholic social worker, used to say that “to pray is not to be intelligent, it’s simply to be there”. Our world is already full of people ready to explain everything about everything, but we see very few people really listening and present to the needs of the time.

The second parable Jesus tells us also takes us into the reign of God, which overturns the order of the world; a reign that shocks the status quo and our selfish, self-interested arrangements. Let’s let this parable germinate within us! His first listeners, who knew the Hebrew scriptures well, were surely surprised, shocked or amused that Jesus compared God’s reign to a mustard plant. In the Old Testament, God repeatedly compares himself to tall trees, often a cedar, under which creatures gather and are protected. The gigantic cedars, the hundred-year-old trees that grow high in the mountains of Lebanon, are royal trees, trees of luxury, imported at great cost from abroad to build the temple in Jerusalem… And now Jesus tells us, “Yes! The reign of God is a great plant, which can protect us, but not the one you think! The reign of God is not a luxury tree that grows slowly in exotic places, but a vegetable plant that grows fast and tall, that invades everything, a plant you know!” I find that very encouraging. To enter into the reign of God, we don’t have to try to imitate great saints or mighty cedars, but to be these untimely, free, annual seeds. The reign of God can sprout anywhere. It’s untimely; it’s strong like mustard. It’s not a venerable, untouchable tree, it’s here and now, it looks like you. The reign of God is like those who don’t have much, but are growing in the fields of the big agribusiness tycoons. God’s reign grows from the little seeds we sow, in our little church which, on the scale of this megalopolis, is no bigger than a mustard seed.

Every time we model our lives on this little seed, we can season the world with the piquant taste of God’s reign. It’s God who makes it grow but, like the sower, we can take care of his field with many small attentions, acts of volunteering. In the coming weeks, we’ll be holding several receptions at St Esprit. These receptions, like the parables, are not just fun – although they certainly are! They are an opportunity, through all the little gestures you make, all the attention you give to others, to be little mustard seeds which, in the church garden, will grow to give shelter to tired birds. I saw it again, as recently as Tuesday, when the young adults group met in the garden. The friendship that grows by giving of ourselves to one another is the stuff of God’s reign. On the scale of this city, on the scale of multinationals, our celebrations are not much, but through the communion they produce, through the encounters they give rise to, the reign of God takes roots and spreads. God knows, that in this world in which we live, we need the faith of the little mustard seed to wake the world up, and that’s why is giving it to us.