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Le dimanche de la Trinité                                                             le 4 juin 2023

Si le chiffre trois apparaît si souvent dans les mythologies de l’Antiquité, c’est peut-être parce qu’il représente, sous une forme mathématique, l’acte de la procréation. Un dieu mâle et un dieu femelle s’unissent pour former un troisième – leur enfant. Ce schéma se retrouve dans tout le Moyen-Orient, en Méditerranée, en Inde, en Afrique, en Europe du Nord et dans les Amériques. Le dieu de l’amour et le dieu de la guerre pouvaient s’unir et avoir un enfant qui était le dieu de la récolte. Le dieu du soleil et le dieu de la lune pouvaient s’unir pour donner naissance à un enfant qui serait le dieu de l’air. Les permutations et les possibilités de ce système sont infinies. Dans la numérologie chinoise, le mot qui signifie trois ressemble au mot qui signifie vie, et il rappelle ce que les Chinois considéraient comme les moments les plus importants de notre vie : la naissance, le mariage et la mort.

Lorsque des poètes ou des prêtres se sont penchés plus tard sur ces histoires de procréation, ils y ont vu une signification plus profonde. Ces dieux ont créé le monde et sont donc ceux qui en connaissent les secrets les plus profonds. Ils ont donné naissance à la complexité de l’univers. Comme ils étaient eux-mêmes mystérieux, ils devaient être responsables des mystères et des paradoxes que nous vivons en tant qu’êtres humains. Parce qu’ils voyaient la divinité en groupes de trois, les mythologies grecques, mésopotamiennes, égyptiennes et indiennes représentaient les dieux comme capables de contenir toutes sortes de contradictions. Ces dieux étaient à la fois créateurs et destructeurs, sources de paix et instigateurs de guerres. Ils haïssaient l’humanité, mais en même temps ils luttaient pour sauver ce qu’ils avaient créé. Les ouvrages les plus avancés de la philosophie indienne utilisent le chiffre trois pour suggérer que le Dieu suprême est lointain tout en étant plus proche que votre propre souffle, un juge terrible tout en étant pourtant l’incarnation de la miséricorde. Pour eux, le Dieu suprême est incarné, mais aussi un esprit pur et exalté. Certains des meilleurs hymnes et poèmes de l’hindouisme font partie d’une longue pièce sur ces contradictions ; contradictions qui trouvent finalement leur résolution dans le mystère de la divinité unique.

Nous devons admettre que la doctrine de la Trinité est difficile à expliquer, malgré les efforts des meilleurs théologiens chrétiens de l’histoire. Pourtant, lorsque nous considérons la doctrine de la Trinité à travers le prisme des mythologies que nous venons de passer en revue, nous constatons que le christianisme est en mesure de comprendre le monde et la relation de Dieu avec lui d’une manière beaucoup plus subtile, nuancée et honnête que s’il considérait Dieu comme une unité monolithique. Le christianisme ne considère pas Dieu comme un concept statique et distant. Les déistes français comme Descartes considéraient Dieu comme un inventeur qui mettait le monde en mouvement selon des lois statiques, puis se retirait au ciel en nous laissant à notre sort. La Trinité est très différente. L’être de Dieu est un jeu d’amour dynamique, pur et éternel. Un tel amour nécessite des relations d’interdépendance. Il implique parfois la justice, parfois la miséricorde, parfois la paix et parfois la lutte, parfois le mystère et parfois la révélation, parfois l’intimité et parfois la distance. Cela implique aussi que Dieu contient en lui une harmonie qui se forge à partir de cette interdépendance ; un amour qui combine tous ces divers éléments en un tout.

Notre lecture du livre de la Genèse montre en action cette sorte d’amour lors de la création de l’univers. Dieu a créé un monde qui reflète sa nature divine. Il est plein de diversité et de procedé ; il est plein de changement et de développement. Notre monde est le résultat du débordement de l’amour divin.

La doctrine de la Trinité n’est pas simplement un article lointain et sans intérêt de la foi chrétienne auquel nous devons souscrire pour prouver notre orthodoxie et éviter d’être accusés d’hérésie. Elle a été formulée dans certaines des villes les plus passionnantes de la planète à l’époque, comme Alexandrie, Rome, Constantinople et Antioche. Il s’agissait de villes assez semblables à la nôtre, à une époque assez semblable à la nôtre. Elles regorgeaient de personnes de nationalités, de mythologies, de langues et d’opinions politiques différentes, dans un monde qui semblait devenir de plus en plus interdépendant au fil des ans. Tous ces groupes rivalisaient pour être honorés, ou au moins entendus. C’étaient des lieux pleins de diversité et de danger, mais en même temps pleins de potentiel et d’enthousiasme. La Trinité tente de saisir ces éléments dans sa vision du Dieu qui a fait de nous ce que nous sommes – et aussi divers que nous le sommes. Elle vise à nous montrer que Dieu continue à créer et à recréer le monde. Dieu n’est pas une divinité statique et lointaine que l’on peut réduire à une formule abstraite.

Motivé par l’amour qui définit la Trinité, Dieu ne nous a jamais laissés seuls pour résoudre les problèmes par nos propres moyens. Dieu a continué à intervenir dans notre monde désorganisé et désordonné, et il est maintenant un avec nous dans le Christ. Le Saint-Esprit est à l’œuvre en nous, nous permettant de réfléchir plus profondément à la nature du Dieu trinitaire par lequel nous avons été créés, et de faire l’expérience de ce Dieu dans nos cœurs, et pas seulement dans nos esprits. Les trois membres de la Trinité nous invitent à participer à leur vie et à devenir un avec le Dieu que nous adorons. Il ne s’agit pas d’une invitation à disparaître dans une orthodoxie conventionnelle, statique et immuable. C’est plutôt comme si un amant nous invitait à danser.

NJM Ver. Fr. FS

Trinity Sunday
June 4, 2023
Genesis 1:1-2:4a 2 Corinthians 13:11-13 Matthew 28:16-20

Perhaps the number three appears so much in the mythologies of the ancient world because it represented in a mathematical form the act of procreation. A male and female god come together to make a third – their child. This pattern can be seen all over the Middle East; in the Mediterranean, in India, Africa, Northern Europe and the Americas. The god of love and the god of war could come together and have a child who was the god of the harvest. The god of the sun and the god of the moon could come together to give birth to a child who was the god of the air. The permutations and possibilities of this system are endless. In Chinese numerology the word for three sounds like the word for life, and recalls what they considered to be the most important moments we pass through: birth, marriage and death.

As later poets or priests reflected on those stories of procreation, they read into them a deeper significance. These gods created the world, and they were therefore the ones who know its deepest secrets. They gave rise to the complexity of the universe. Because they were mysterious themselves, they are responsible for the mysteries and the paradoxes we live through as human beings. Because they saw divinity in groups of three, the mythologies of Greece, Mesopotamia, Egypt and India represented the gods as capable of holding all sorts of contradictions together. At one and the same time, those gods were creators and destroyers; the sources of peace and the instigators of war. They hated humankind, but at the same time they struggled to save what they had created. The most advanced works of Indian philosophy use the number three to suggest that the supreme God is both far away and closer to you than your own breath; a terrible judge and yet the embodiment of mercy. For them, the supreme God is incarnate and embodied, but at the same time a pure and exalted spirit. Some of the best hymns and poems in Hinduism are an extended play on these contradictions, which eventually find resolution in the mystery of the one Godhead.

We have to admit that the doctrine of the Trinity is difficult to explain; despite the efforts of the best Christian theologians throughout history. And yet, when we look at the doctrine of the Trinity through the lens of those mythologies we just reviewed, we can see that Christianity is able to understand the world and God’s relation to it in a much more subtle, nuanced and honest manner than if it saw God as a monolithic unity. Christianity does not view God as a static and remote concept. The French Deists like Descartes thought of God as an inventor who set the world in motion according to static laws, and then withdrew into heaven leaving us to our own devices. The Trinity is very different. God’s being is an interplay of dynamic, pure and eternal love. Such a love necessitates relationships of interdependence. Sometimes it involves justice, and sometimes mercy. Sometimes peace and sometimes struggle, sometimes mystery and sometimes revelation, sometimes intimacy, and sometimes distance. It also implies that God contains within himself a harmony which is forged out of that interdependency; a love which combines all these various elements into a whole.

Our reading from the book of Genesis shows that sort of love in action when the universe was created. God has made a world that reflects His divine nature. It is full of diversity and processes; it is full of change and development. Our world is the result of the overflowing of divine love.

The doctrine of the Trinity is not just some remote and irrelevant article of the Christian faith to which we need to give assent in order to prove how orthodox we are and to avoid the charge of heresy. It was formulated in some of the most exciting cities on earth at the time – such as Alexandria, Rome, Constantinople and Antioch. These were cities rather like our own, in a time rather like our own. Teeming with people of many different nationalities, mythologies, languages and political views; a world that seemed to be getting more and more globally interrelated with every passing year. All of these groups were competing to be honored, or at least heard. They were places full of diversity and danger, and yet at the same time full of potential and excitement. The Trinity tries to capture these things in its view of the God who made us who we are – and as diverse as we are. It is intended to illustrate to us that God is still creating and re-creating the world. He is not a static and remote deity who can be reduced to an abstract formula.

Driven by the love that defines the Trinity, God has never left us alone to figure things out under our own steam. God has continued to intervene in our messy and disordered world, and is now one with us in Christ. The Holy Spirit is at work in us enabling us to reflect more deeply on the nature of the Trinitarian God by whom we were made, and to experience that God in our hearts, not just in our minds. All three members of the Trinity invite us to participate in their life, and to become one with the God whom we worship. This is not an invitation to disappear into a conventional, static and unchangeable orthodoxy. It is more like a lover inviting us to a dance.

NJM