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Sermon Toussaint 2023

Lorsque j’étais missionnaire en Italie, une petite chapelle à Ravenne m’a profondément marqué. Comme beaucoup d’églises byzantines anciennes, on est accueilli dès l’entrée par des visages humains. On pense entrer à l’église pour rencontrer Dieu et voilà que c’est des visages humains dessinés par de rayonnantes mosaïque qui viennent à votre rencontre. En entrant dans notre non moins petite église vous avez été accueillis par ce petit autel recouvert de photos. Ce sont des regards, des visages de membres de l’Église qui vous ont accueillis. Parfois ils posent (comme Rosemary avec son beau chapeau bleu) parfois on voit bien que la photo a été prise sur le vif pendant une réception car on devine qu’ils essaient de cacher leurs bouches pleines.

Nous nous rassemblons aujourd’hui, pour célébrer la mémoire de tous les saints de Dieu, qu’ils soient reconnus par l’Église ou simplement des saints du quotidien que nous avons personnellement connus. Bien que l’Église ait des fêtes distinctes pour les saints et les défunts, je crois que les Anglicans sont assez contents de maintenir un flou délibéré entre les deux. Ce flou reconnaît, de manière fort biblique et protestante, que tous les fidèles peuvent aussi être appelés des saints. Ne pas vouloir définir précisément qui est quoi laisse Dieu seul juge : après tout, dans la vision de l’Apocalypse que nous avons lue même l’Ancien au paradis ne semble pas vraiment savoir qui compose cette « foule immense » des saints !

Bien sûr les souvenirs que nous avons des autres, vivants ou décédés, ne sont pas toujours joyeux. En se rappelant certaines personnes on ne peut pas ne pas se rappeler les affronts ou les violences qu’ils nous ont causé. Tous les morts n’ont pas vécu comme des saints et ne laissent pas dernière eux des mémoires sans tâche. Au lieu de nous donner de la joie et de l’élan, ces souvenirs peuvent nous enfermer dans la répétition et la peur de manière très physique. C’est cette même mémoire malheureuse des morts qui empoisonnent les relations humaines et maintiennent à vif de nombreux conflits dans les familles et dans le monde, comme celui que nous voyons aujourd’hui au Moyen Orient. Parfois, sans faire revenir des traumatismes, le souvenir de ceux que nous aimons mais nous ne voyons plus peut nous garder dans la mélancolie au lieu de nous encourager à avancer. Finalement les souvenirs que nous avons des autres est comme le vin dont parle la Bible, il peut réjouir le cœur des humains, créer de la communauté en facilitant le lien social comme quand on se rappelle avec joie des souvenir de quelqu’un qui n’est plus avec nous, ou bien nous créer une dépendance et nourrir la violence des uns envers les autres. Dans cette alternative face au souvenir pourtant, nous ne sommes pas laissés seuls.

Toutes les fois que nous nous approchons de Jésus Christ pour recevoir la communion à son corps et à son sang, c’est Dieu lui-même qui nous apprends à nous souvenir, qui prend en lui la mort qui se trouve dans le souvenir pour nous en donner seulement la vie. Nous pouvons lui apporter tout ce que nous sommes, tout ce qui nous hante. Il guérit les liens qui nous unissent à nos frères et sœurs qui sont tous des membres de son corps. Nous pouvons ici, en Jésus Christ, trouver la réconciliation et la paix avec tous ceux qui nous ont précédé, ceux que nous redoutons comme ceux que nous regrettons. Dans notre pèlerinage, où Jésus nous envoie avec des provisions, nous ne sommes jamais seuls. Car Jésus Christ en nous donnant son corps nous donne de faire corps, faire famille avec tous les enfants de Dieu, sur la terre bien sûr mais aussi au ciel. Si on a mal quelque part, pour continuer d’avancer, sans trop réfléchir on fait appel à une autre partie de notre corps pour compenser. Dans la communion des saints dont Jésus est la tête et dont il guide le corps tout entier nous trouverons toujours de l’aide pour continuer notre chemin. Les vies, les tribulations, les prières, les louanges de ceux qui nous ont précédé nous aide à faire face aux difficultés de notre route, à aimer le Christ et le suivre alors que « ce que nous deviendrons n’est pas encore clairement révélé ». Le théologien catholique suisse Maurice Zundel a écrit que ce qui rend les saints et tous les morts si chers, « ce qui nous les rend indispensables, dans le mystère de l’Église, dans le mystère de nos vies, c’est qu’ils actualisent la Présence de Dieu ». Notre propre sainteté, celle de l’Église aujourd’hui, ici, naît de la proximité, de la convivialité que nous apprenons à entretenir autour de la table du Christ avec tous les saints qui nous ont précédé.

Nous aimons recevoir à St Esprit—il suffit de regarder les photos—la convivialité est un aspect essentiel de notre mission en tant qu’Église car elle est la manière même d’être de Dieu avec nous. Juste après le service restez un peu pour gouter au kollyva que des volontaires ont préparé en mémoire de certains de nos défunts. La convivialité est quelque chose que nous faisons, mais elle n’est pourtant jamais un acquis, elle demande des préparations comme pour le kollyva et surtout une attention permanente aux personnes qu’on reçoit. Il y a un savoir recevoir que nous apprenons à cette table et dans lequel nous pouvons toujours grandir. Une bonne table c’est bien sûr une table où l’on mange un bon repas mais aussi une table à laquelle tout le monde est reconnu et invité à prendre part. Une bonne table nous nourrit et nous transforme car elle est où les invités partagent des points de vue, des histoires qui nous font changer d’avis sur le monde, sur le monde, sur Dieu et comment il nous appelle. En cette fête de la Toussaint nous nous rappelons particulièrement qu’à la table de l’Église, comme à cet autel, sont invité tous les saints de Dieu. Elle n’est pas réservée aux seuls membres de l’Église que nous pouvons toucher et voir, mais l’église du ciel y est aussi bienvenue.

A quoi ressemblerait, je vous demande, d’étendre notre accueil, notre convivialité aux saints de Dieu qui sont avec nous mais que nous ne voyons plus ? Que se passerait-il si nous invitions tous les saints, tous les morts de notre église à notre table ? Alors que nous commençons à peine à réfléchir à la forme que prendra les célébrations des 400 ans de la fondation de notre église en 2028, une chose est déjà sûre : il serait bien impoli de célébrer l’anniversaire de notre église sans inviter la majorité de nos membres qui sont de l’autre côté du voile ! Pour les inviter à notre table nous aurons besoin de vos prières, de votre imagination, de toutes votre curiosité et vos compétences. Il faudra tous nous mettre à leur écoute, dans l’étude, dans la prière, car notre histoire depuis 400 ans ce sont leurs histoires. C’est seulement en grandissant en communion, en intimité, avec celles et ceux qui sont passés avant nous dans notre église par de grandes tribulations et qui rayonnent maintenant de l’amour de Dieu, qu’on pourra continuer ici, aujourd’hui et demain la mission de notre petite église.

JFAB

 

All Saints
Sunday November 5th, 2023
Revelation 7:9-17 1 John 3:1-3 Matthew 5:1-12

When I was a missionary in Italy, a small chapel in Ravenna made a deep impression on me. Like many ancient Byzantine churches, human faces greet you as you enter. You think you’re entering the church to meet God, but human faces in radiant mosaics are there to meet you. As you entered our no less small church, you were greeted by this little altar covered in photos. These are the looks and faces of the church members who greeted you. Sometimes they’re posing (like Rosemary with her beautiful blue hat), sometimes you can tell the photo was taken on the spot during a reception, as you can tell they’re trying to hide their full mouths.

We gather today to celebrate the memory of all God’s saints, whether recognized by the Church or simply everyday saints we’ve known personally. Although the Church has separate feasts for saints and the dead, I think Anglicans are quite happy to maintain a deliberate blur between the two. This blur recognizes, in a very biblical and Protestant way, that all the faithful can also be called saints. Not wanting to define precisely who is what leaves judgement to God alone: after all, in the vision of Revelation we read, even the Ancient One in paradise doesn’t really seem to know who makes up this “immense crowd” of saints!

Of course, the memories we have of others, living or dead, are not always happy ones. When we remember certain people, we can’t help but recall the affronts or violence they caused us. Not all the dead lived as saints, and not all leave behind them spotless memories. Instead of giving us joy and impetus, these memories can trap us in repetition and fear in a very physical way. It’s this same unhappy memory of the dead that poisons human relationships and keeps many conflicts alive in families and around the world, like the one we’re seeing today in the Middle East. Sometimes, without bringing back traumas, the memory of those we love but can no longer see can keep us in melancholy instead of encouraging us to move forward. Ultimately, the memories we have of others are like the wine spoken of in the Bible: they can gladden the human heart, create community by facilitating social ties, as when we joyfully recall the memories of someone who is no longer with us, or they can create dependency and fuel violence towards one another. However, we’re not left alone in this struggle to remember.

Whenever we draw near to Jesus Christ to receive communion with his body and his blood, it is God himself who teaches us to remember, who takes the death that lies in remembrance and gives us only life. We can bring him everything we are, everything that haunts us. He heals the ties that bind us to our brothers and sisters, who are all members of his body. Here, in Jesus Christ, we can find reconciliation and peace with all those who have gone before us, those we fear and those we miss. On our pilgrimage, where Jesus sends us with provisions, we are never alone. For Jesus Christ, in giving us his body, makes us one with all God’s children, on earth of course, but also in heaven. If we feel pain somewhere, to keep going, without thinking too hard we call on another part of our body to compensate. In the communion of saints, of which Jesus is the head and whose whole body he guides, we will always find help to continue on our way. The lives, tribulations, prayers and praises of those who have gone before us help us face the difficulties of our journey, to love Christ and to follow him while “what we will become is not yet clearly revealed”. Swiss Catholic theologian Maurice Zundel wrote that what makes the saints and all the dead so dear, “what makes them indispensable to us, in the mystery of the Church, in the mystery of our lives, is that they actualize the Presence of God”. Our own holiness, that of the Church here today, is born of the closeness, the conviviality we learn to maintain around Christ’s table with all the saints who have gone before us.

We love to entertain at St Esprit-just look at the photos-friendliness is an essential aspect of our mission as Church, because it’s God’s way of being with us. Just after the service, stay a while to try the kollyva that volunteers have prepared in memory of some of our deceased. Conviviality is something we do, but it can never be taken for granted. It requires preparation, as with kollyva, and above all constant attention to the people we receive. There’s a way of receiving that we learn at this table, and in which we can always grow. A good table is, of course, a table at which we eat a good meal, but also a table at which everyone is recognized and invited to take part. A good table nourishes and transforms us because it’s where guests share points of view, stories that change our minds about the world, about God and how he calls us. On this feast of All Saints we are particularly reminded that at the Church’s table, just like at this altar, all God’s saints are invited. It’s not just the members of the Church we can touch and see, but the Church in heaven is also welcome.

What would it be like, I ask you, to extend our welcome, our conviviality, to the saints of God who are with us but whom we can no longer see? What would it be like if we invited all the saints, all the dead of our church, to our table? While we’re just beginning to think about the form the celebrations of the 400th anniversary of the founding of our church will take in 2028, one thing is already certain: it would be impolite to celebrate our church’s anniversary without inviting the majority of our members who are on the other side of the veil! To invite them at our table, we’ll need your prayers, your imagination, and all your curiosity and skills. We’ll all need to listen, to study, to pray, because our 400-year history is their stories. Only by growing in communion, in intimacy, with those who have gone before us in our church through great tribulation and who now radiate God’s love, will we be able to continue here, today and tomorrow the mission of our little church.

JFAB