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Le quatorzième dimanche de la pentecôte                             Dimanche 3 septembre 2023

Je suis sûr que vous avez tous en tête une histoire ou quelqu’un a été « cancelled » pour une raison ou pour une autre à la suite de la diffusion d’une altercation plutôt choquante sur les réseaux sociaux. D’un certain point de vue, nous sommes tous devenus les juges implicites de ce monde. Parfois, vous voyez une personne être ouvertement raciste, homophobe, ou simplement de mauvaise humeur et se comporter de façon condamnable, mais bien-sûr, du point de vue unique de la personne cherchant à la dénoncer – personne qui en passant en profite en attirant l’attention sur elle-même… Il faut cependant prendre en compte que très souvent, ces vidéos ne présentent aucun contexte. Pourtant, quand vous lisez les commentaires sous ces vidéos, vous voyez très vite que les avis sont tranchés et que la mentalité de foule prend le dessus. Vous pouvez lire par exemple : « Qu’on trouve où cette personne travaille et qu’on la fasse virer ! », ou n’importe quelle autre menace qui pourrait satisfaire l’envie de sang des anonymes d’internet derrière leurs écrans. Évidemment, je ne suis pas en train d’excuser les comportements parfois anti-chrétiens de ces personnes dénoncées publiquement. Le racisme, l’homophobie et toute sorte de xénophobie ne sont pas des comportements que nous soutenons à Saint-Esprit, ça va sans dire. Cependant, il est important de souligner que nous ne sommes pas invités à juger les autres en tant que Chrétiens.

Du coup, je vous pose cette question : « La vengeance est-elle chrétienne ? » Je pense qu’au premier abord la plupart d’entre vous a envie de dire « Non absolument pas ! » Après tout, Jésus nous a dit d’aimer notre ennemi : « aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. Ainsi vous deviendrez les enfants de votre Père qui est dans les cieux ». Pour ceux qui m’ont déjà entendu prêcher, vous savez que cette valeur en particulier m’est très chère, et je suis certain qu’encore une fois cette semaine je dois renforcer cet enseignement en prêchant pour vous aujourd’hui. En effet, durant cette semaine de préparation du sermon, j’ai fait un rêve très clair où je consolais l’une des rares personnes dans ma vie pour qui aujourd’hui encore j’ai malgré moi un peu de rancœur. C’est comme si le Saint-Esprit me disait : « Regarde, même cette personne que tu considères comme ton ennemi est un enfant de Dieu et à besoin d’être consolée. » Alors, il faudra se demander comment négocier dans notre conception de l’amour du prochain mais aussi de l’ennemi ces phrases de notre épître : « ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu », et : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire ; car, en agissant ainsi, ce sera comme si tu amassais des charbons ardents sur sa tête. » Est-ce que notre soif de vengeance est acceptable si nous attendons qu’elle soit livrée par Dieu à notre place ?

La négociation des textes fait partie entière du christianisme – au bonheur des exégètes. C’est pour ça que des phrases comme celles que je viens de citer peuvent être mise à part et être interprétées par certains théologiens plutôt littéralistes comme justifiant l’attente de souffrances sanglantes multiples pour nos ennemis. C’est ce même concept de « colère divine » qui attise les attentes d’un paradis où l’on pourra se délecter de lait et de miel en observant de loin les souffrances de nos ennemis en enfer décrites dans l’Apocalypse. Cependant, en tant que théologien chrétien plutôt loin des littéralistes, je préfère une interprétation bien plus simple : Paul a pu se tromper, commettre une erreur humaine… En effet, même si Paul écrit « Ne rendez à personne le mal pour le mal. Efforcez-vous de faire le bien aux yeux de tous », il semble indiquer qu’il est possible d’espérer le mal pour nos ennemis à condition que cette vengeance soit livrée par Dieu… Attention, je ne dis pas que l’on devrait commencer à jeter les parties de la Bible que nous n’aimons pas, ou ne pas les lire. Mais il faut garder en tête que la Bible est une collection de textes par de nombreux auteurs dans des contextes tous différents. Paul par exemple n’écrivait pas pour nous aujourd’hui, et dans le contexte de ses lettres, il nous manque énormément de contexte. Ce que j’essaie de démontrer c’est que notre interprétation aujourd’hui de ce que l’on entend lors de nos lectures doit être aiguillée par notre Évangile, mais surtout, par l’enseignement de Jésus, et dans notre contexte. C’est ainsi que nous pouvons tenter de les mettre en pratique dans nos vies. Ces phrases ‘choc’ de l’épître qui nous invitent à agir de façon chrétienne seulement pour que des charbons ardents divins tombent sur la tête de nos ennemis n’a pas pour but de justifier notre soif de vengeance. Peut-être que la leçon est tout simplement : « l’erreur est humaine ».

En effet, je viens de dire que Paul a pu se tromper. Après tout, si l’apôtre Pierre peut se tromper, pourquoi pas Paul ? Pierre s’est tellement trompé en voulant détourner Jésus de la volonté de Dieu – souffrir sur la croix – que Jésus l’appelle Satan ! « Va-t’en, passe derrière moi Satan ! Tu es un obstacle sur ma route, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des êtres humains. » Jésus nous apprend que l’erreur est humaine, mais surtout que le pardon et la grâce sont divins. Jésus nous dit de prier pour nos ennemis, de perdre notre vie, parce que le retour divin n’est pas une vengeance sur les autres comme Paul semble l’interpréter aujourd’hui, mais une bénédiction sur nous-même. Soyons patients. Ne jugeons pas selon nos règles humaines. Prions pour que ceux qui font du mal aux autres retrouvent leur chemin. En effet, Jésus nous dit aujourd’hui : « Le Fils de l’homme va venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon la façon dont il aura agi. » Il ne parle pas ici de charbons ardents qui seront distribués sur la tête de nos ennemis d’une façon unilatérale, mais bien de prières et de pardons pour nos erreurs, et de dons et de richesses du cœur qui jailliront de la source de l’Amour de Dieu. Ce sont tous ces dons que nous sommes invités à offrir librement aux autres aujourd’hui afin d’étancher la soif d’amour de « tous les enfants de votre Père qui est dans les cieux », que ceux-ci soient vos amis, ou vos ennemis.

FS

PENTECOST XIV
September 3rd, 2023
Exode 3:1-15
Romains 12:9-21
Matthieu 16:21-28

I’m sure you can all think of an instance where someone was “cancelled” for one reason or another following the posting of a rather shocking altercation on social networks. From a certain point of view, we’ve all become the implicit judges of this world. Sometimes, you see someone being openly racist, homophobic, or just plainly in a bad mood and behaving in a reprehensible way, but of course, from the unique point of view of the person seeking to denounce them – a person who, by the way, benefits by drawing attention to themselves… It’s important to remember, however, that these videos often lack any context. And yet, when you read the comments under these videos, you quickly see that opinions are clear-cut, and that mob mentality takes over. You might read, for example, “Let’s find out where this person works and get them fired!”, or any other threat that might satisfy the bloodlust of anonymous internet users behind their screens. Obviously, I’m not excusing the sometimes-anti-Christian behavior of these people denounced publicly. Racism, homophobia, and any kind of xenophobia are not behaviors we support at Saint-Esprit, that goes without saying. However, it’s important to stress that we’re not invited to judge others as Christians.

So let me ask you this question: “Is revenge a Christian trait?” I think without much thinking most of you would want to say “Absolutely not!” After all, Jesus told us to love our enemy: “Love your enemies and pray for those who persecute you, so that you may be children of your Father in heaven”. For those of you who have heard me preach before, you know that this value is very dear to me in particular, and I’m sure that once again this week I’m called to reinforce this teaching as I preach for you today. In fact, during this week of preparing the sermon, I had a very clear dream in which I was consoling one of the few people in my life for whom even today I still hold a little resentment in spite of myself. It was as if the Holy Spirit was saying to me: “Look, even this person you consider your enemy is a child of God and needs to be consoled.” So we’ll have to ask ourselves how we can negotiate these sentences from our epistle into our conception of loving our neighbor, but also our enemy: “never avenge yourselves, but leave room for the wrath of God”, and: “if your enemies are hungry, feed them; if they are thirsty, give them something to drink, for by doing this you will heap burning coals on their heads.” Is our thirst for vengeance acceptable if we wait for it to be delivered by God on our behalf?

Negotiating with texts is an integral part of Christianity – much to the delight of exegetes. That’s why phrases like the ones I’ve just quoted can be interpreted by some rather literalist theologians as justifying the expectation of multiple bloody sufferings for our enemies. It is this very concept of “God’s wrath” that fuels expectations of a paradise where we can revel in milk and honey while observing from afar the sufferings of our enemies in hell described in Revelation. However, as a Christian theologian quite removed from the literalists, I prefer a much simpler interpretation: Paul may have made a mistake, a human error… Indeed, even though Paul writes ” Do not repay anyone evil for evil, but take thought for what is noble in the sight of all”, he seems to indicate that it is possible to wish evil on our enemies, provided that this vengeance is delivered by God… Mind you, I’m not saying we should start throwing out the parts of the Bible we don’t like, or not read them at all, but we must bear in mind that the Bible is a collection of texts by many authors in many different contexts. Paul, for example, wasn’t writing for us today, and in the context of his letters, we’re missing a huge amount of context. The point I’m trying to make is that our interpretation of what we hear in our readings must be informed by our Gospel, but above all, by the teaching of Jesus, in our context. That’s how we can try to put them into practice in our own lives. Those ‘shock’ sentences in the epistle that invite us to act in a Christian way only to ensure that divine burning coals will heap on the heads of our enemies are not intended to justify our thirst for vengeance. Perhaps the lesson is simply: “to err is human”.

Indeed, I just said that Paul may have made a mistake. After all, if the apostle Peter can make one, why can’t Paul? Peter was so mistaken in wanting to turn Jesus away from God’s will – to suffer on the cross – that Jesus calls him Satan! “Get behind me, Satan! You are a hindrance to me, for you are setting your mind not on divine things but on human things”. Jesus teaches us that to err is human, but above all that forgiveness and grace are divine. Jesus tells us to pray for our enemies, to lose our lives, because the divine return is not vengeance on others as Paul seems to interpret it today, but a blessing on ourselves. Let us be patient. Let us not judge according to our human rules. Let us pray that those who harm others will find their way back. Indeed, Jesus tells us today, “the Son of Man is to come with his angels in the glory of his Father, and then he will repay everyone for what has been done.” He’s not talking about burning coals that will heap on the heads of our enemies in a unilateral way, he talks about prayers and forgiveness for our mistakes, and gifts and riches of the heart that will gush forth from the spring of God’s Love. These are the gifts we are invited to offer freely to others today, to quench the thirst for love of “all the children of your Father in heaven”, whether they be your friends or your enemies.

FS