sermons

Le 3e dimanche de Carême
le 12 mars 2023
Exode 17:1-7; Romains 5:1-11; Jean 4:5-42

Dans deux semaines, le samedi 25 mars, le clergé et les membres du diocèse de New-York se réuniront dans la cathédrale de Saint John the Divine lors d’un office de présentation officielle d’excuses pour l’implication historique du Diocèse dans le commerce d’esclaves et les bénéfices qu’il en a récolté. Si nous nous réunissions dans notre église habituelle, nous verrions autour de nous les armoiries familiales de certains des membres fondateurs de la petite Église française du Saint-Esprit, dont beaucoup ont tiré leur richesse de ce commerce. On disait autrefois que les Huguenots qui avaient fui les persécutions en France pour s’installer dans les colonies américaines n’auraient jamais eu d’esclaves, car ils savaient trop bien ce que c’était que de perdre leur liberté. Nous savons aujourd’hui que c’est loin d’être le cas, même si l’un de nos membres fondateurs, Elie Neau, a fondé la première école pour esclaves et les a préparés au baptême dans sa propre maison. Les histoires que nous racontons sur notre fondation et nos origines ont un effet profond sur les valeurs que nous revendiquons. L’histoire de la fondation des États-Unis parle des Pères fondateurs et cite les premiers mots de la Constitution : « Nous, le peuple ». Les manuels d’histoire français commençaient auparavant par ces mots évocateurs : « Nos ancêtres les Gaulois ». La façon dont nous racontons ces histoires suggère qu’il existait autrefois une ère d’espérance et d’innocence que notre société actuelle a perdue. Les nations, les tribus et les églises se définissent souvent par le biais de ces mythologies. Elles constituent un outil dangereux pour rallier les gens en temps de guerre, ou pour susciter la loyauté et l’allégeance en temps de paix.

Les livres de la Genèse et de l’Exode racontent une histoire très puissante de ce type, liée à la fondation et aux premiers jours de la nation d’Israël. L’un des récits les plus importants de ces livres concerne les quarante années formatrices que les Israélites ont passées dans un désert stérile situé entre l’Égypte et la Palestine. Le désert était un lieu ambivalent pour les peuples du Proche-Orient ancien. C’était une sorte de terre inhabitée (no man’s land) dans lequel la protection d’un monarque ne s’étendait pas. On disait que les démons et les âmes des défunts en hantaient ses étendues sauvages. Pourtant, le désert était aussi un lieu de bénédiction potentielle. Les dieux se manifestaient dans leur pureté absolue. Quiconque passait la nuit dans le désert, sous son vaste ciel étoilé, pouvait rencontrer l’une de ces divinités ou l’un de ces esprits.

C’est en raison de cette ambiguïté concernant le désert que la Bible semble adopter deux points de vue sur le temps que les Israélites y ont passé. Certains auteurs bibliques y voient une période de pureté et d’innocence. Avant que la loi ne soit donnée sur le mont Sinaï, Dieu regardait le peuple avec indulgence. Ils étaient comme des enfants avant une Bar Mitzvah ; ils n’étaient pas encore obligés d’observer la loi, parce que la loi n’avait pas encore été donnée. D’autres auteurs bibliques considèrent la période du désert comme le moment où les graines des malheurs ultérieurs d’Israël avaient été plantées. Pour eux, le désert était un lieu de mort et d’impureté : le lieu où le bouc émissaire était conduit après que les péchés de la communauté avaient été placés sur sa tête.

Il existe deux versions de certains de ces récits sur le désert dans la Bible. Il existe deux versions de la lecture d’aujourd’hui, tirée du livre de l’Exode. Dans l’Exode, le peuple demande de l’eau. Moïse intercède auprès de Dieu en leur faveur, et voilà que l’eau apparaît en réponse à leurs prières. Dans le livre des Nombres chapitre 20 versets 1 à 13, cette histoire est racontée sous un angle différent. L’accent est mis sur la rébellion du peuple contre Moïse. Le désert est un lieu où l’innocence est perdue. Le peuple refuse de faire confiance à Dieu ; il Le met même à l’épreuve. Dans le premier exemple, le désert est un lieu d’innocence et de pureté – c’est un lieu où Dieu met à l’épreuve la confiance du peuple. Dans le second, le désert est un lieu de rébellion et de malheur – c’est un lieu où le peuple met Dieu à l’épreuve.

Il est parfois très difficile de savoir où se situent nos prières sur cette échelle de valeurs. Nos prières sont-elles l’expression de notre confiance en Dieu ou sont-elles une forme de corruption ? J’ai entendu des personnes prier : « Dieu, si tu guéris cette personne, je te promets d’aller à l’église et d’être une meilleure personne. » Ou même : « Dieu, si tu ne guéris pas cette personne, je saurai que tu n’existes pas. » La manière dont les Hébreux demandent de l’eau devient un moment décisif dans le déroulement de leur histoire. Le pouvoir de Dieu de nous guérir ou de transformer nos vies n’est pas basé sur le fait que nous croyions ou non qu’il puisse le faire. Ce ne sont pas nos faibles promesses ou menaces qui poussent Dieu à agir. Dieu agit en son temps, de manière souveraine, et notre tâche consiste à lui faire confiance. Beaucoup d’Israélites n’ont pas appris cette leçon dans le désert. Ils pensaient pouvoir manipuler Dieu selon leurs besoins. Ils n’ont pas compris que Dieu demandait leur amour et leur confiance. Beaucoup d’entre eux semblent avoir suivi Moïse uniquement parce qu’on leur avait promis quelque chose à la fin de leur séjour dans le désert. Si nous ne faisons pas confiance à Dieu dans le désert, comment pourrons-nous lui faire confiance lorsque nous atteindrons la Terre promise ?

Enfin, il y a une autre source d’eau dans nos lectures d’aujourd’hui : l’eau du puits où la Samaritaine a rencontré Jésus. Dans cette histoire, c’est Jésus, et non la Samaritaine, qui demande de l’aide. Cela nous rappelle que la prière va dans les deux sens : ce n’est pas seulement nous qui prions Jésus de faire quelque chose. La femme de cette histoire peut faire quelque chose que Jésus ne peut pas faire seul. Lorsque nous faisons confiance et demandons de l’aide, nous faisons ressortir ce qu’il y a de meilleur chez les autres. En nous rassemblant autour de cette petite table pour la communion, un rocher dans notre propre nature sauvage à New-York, nous découvrons que notre dépendance les uns envers les autres et notre dépendance envers Dieu sont profondément liées dans l’économie de l’amour.

NJM Ver. Fr. FS

LENT III
March 12, 2023
Exodus 17:1-7; Romans 5:1-11; John 4:5-42

In two weeks’ time, on Saturday March 25th, the clergy and people of the Diocese of New York will gather in the Cathedral of St. John the Divine to hold a service of apology for their historical involvement in, and profit from, the slave trade. If we were meeting in our normal church space, we would see around us the family crests of some of the founding members of the little French church of St. Esprit, many of whom derived their wealth from that trade. It used to be said that those Huguenots who had fled from persecution in France to the American colonies would never have had slaves because they knew all too well what it was like to lose one’s liberty. We now know that this is far from the truth; even though one of our founder members, Elie Neau, founded the first school for slaves and prepared them for baptism in his own house. The stories we tell of our foundation and origins have a profound effect on the values that we claim to hold. The narrative relating to the foundation of the United States tells of the Founding Fathers and quotes the first words of its Constitution: “We the People.” French history textbooks used to begin with the evocative words: “Our ancestors, the Gauls.” The way we tell these stories suggests that there was once an era of hope and innocence that our present society has lost. Nations, tribes and churches often define themselves by means of these mythologies. They are a dangerous tool when rallying people in times of war, or when stirring up loyalty and allegiance in times of peace.

The books of Genesis and Exodus tell a very powerful story of this kind that relates to the foundation and the early days of the nation of Israel. One of the most important stories in those books concerns the forty formative years that the Israelites spent in a barren wilderness situated between Egypt and Palestine. The wilderness was an ambivalent place for the people of the Ancient Near East. It was a sort of no-man’s land into which the protection of a monarch did not extend. Both demons and the souls of the departed were said to haunt its wastes. And yet the wilderness was also a place of potential blessing. The gods manifested themselves in its stark purity. Anyone spending the night in the wilderness under its vast and starry sky may well encounter one of these deities or spirits.

It is because of this ambiguity about the wilderness that the Bible seems to take two views of the time that the Israelites spent in it. Some biblical authors look back on it as a time of purity and innocence. Before the Law was given on Mount Sinai, God looked on the people with indulgence. They were like children before a Bar Mitzvah; they were not yet obliged to keep the law, because the Law had not yet been given. Other Biblical authors look upon the wilderness period as the time in which the seeds of Israel’s later woes were planted. For them, the wilderness was a place of death and uncleanliness: the place that the scapegoat was driven after the sins of the community were placed on its head.

Two versions of some of these wilderness stories exist in the Bible. There are two versions of today’s reading from the Book of Exodus. In Exodus, the people are asking for water. Moses intercedes to God on their behalf, and lo and behold, water appears as an answer to their prayers. In Numbers 20:1-13, this story is told from a different angle. The people’s rebellion against Moses is stressed. The wilderness is a place of where innocence is lost. The people refuse to trust God; they even put God to the test. In the first example, the desert is a place of innocence and purity – it is a place God tests the people’s trust. In the second, the desert is a place of rebellion and woe – it is a place where the people put God to the test.

Sometimes it is very hard to know where our prayers fit on this scale. Are our prayers an expression of our trust in God, or are they a form of bribery? I’ve heard people pray: “God, if you heal this person, I promise I will go to church and be a better person.” Or even, “God, if you don’t heal this person, I will know you don’t exist.” The way in which the Hebrews are asking for water becomes a defining moment in how their history was to unfold. God’s power to heal us or to transform our lives is not based on whether or not we believe that God can do it. God is not moved to action by our feeble promises or threats. God acts in his own sovereign time, and our business is to trust. Many of the Israelites did not learn that lesson in the wilderness. They thought that they could manipulate God according to their needs. They did not understand that God was asking for their love and their trust. Many of them seem to have been following Moses only because they had been promised something at the end of their time in the desert. If we do not trust God in the desert, how can we trust him when we reach the Promised Land?

There is another source of water in our readings today: the water of the well where the Samaritan woman met Jesus. In this story, it is Jesus, not the Samaritan woman who asks for help. It is a reminder to us that prayer goes two ways: it is not just us praying to Jesus to do something. The woman of this story can do something that Jesus can’t do on his own. When we trust and ask for help, we bring out the best in others. As we gather around this little table for communion, a rock in our own wilderness in New York, we discover that our dependence on each other and our dependence on God are profoundly linked in the economy of love.

NJM