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Le 15e dimanche après la Pentecôte                                        le 10 septembre 2023

Dimanche prochain aura lieu à New York une grande manifestation pour demander de mettre fin aux énergies fossiles. Leur usage exponentiel depuis la révolution industrielle est la cause principale de l’effondrement écologique que nous vivons, et dont nous commençons à peine à souffrir les conséquences. J’ai eu le temps, à peine revenu dans cette ville de méditer sur ce désastre inextricable…  C’était la semaine dernière quand j’ai passé plus d’une heure à nettoyer l’épaisse crasse de pollution que crachait le climatiseur de mon nouveau nid newyorkais, c’est-à-dire l’appartement de l’immeuble d’à côté dans lequel l’Église me donne d’habiter. À force d’huile de coude j’ai quand même réussi à nettoyer cette suie polluée, en utilisant pour cela un produit toxique contenus dans un spray en plastique à usage unique… bien sûr, tout ça va sans dire que l’usage même du climatiseur contribue aussi largement à la pollution de l’air… Notre péché écologique est vraiment inextricable, il colle et se répand partout comme la pollution. Une fois le labeur finit, je ne pouvais pas me poser dans le souffle frais du climatiseur sans me demander : où souffle dans tout ça, dans nos compromissions, dans nos péchés répétés contre la création le souffle du Dieu créateur, rédempteur et vivant ?

Dans l’Evangile d’aujourd’hui Jésus lui-même souffle des conseils à ses disciples pour leur apprendre à se comporter avec ceux qui, au sein de la communauté, font du mal à leurs frères et sœurs. Faire du mal aux autres, c’est aussi, en tant que pollueurs, ce que nous faisons directement et indirectement. Nous nous trouvons dans une situation où nous ne pouvons pas ne pas faire du mal aux autres êtres vivants, même si nous n’en voyons pas immédiatement les conséquences. Le mal nous enserrer et nous tord dans ses liens, comme un serpent et on se sent souvent coupable de ne pas pouvoir lui résister. Dans cette situation où la communion de la communauté est menacée à cause d’une faute, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Jésus ne demande jamais à celui à qui on montre sa faute de la confesser, de faire amende honorable ou de s’apitoyer. Peut-être, et c’est comme ça je crois qu’on peut lire le passage, que la réalité de la faute – même si elle était évidente – n’est pas ce qui intéresse Jésus. En effet le verbe répété encore et encore par Jésus ce n’est pas « demander pardon » ou « reconnaitre sa faute » mais c’est bien « écouter ». Le problème ce n’est pas que dans cette situation où la communion entre deux frères est blessée, qu’une faute a été commise, non. Nous péchons, cela arrive, nous faisons des fautes et nous en ferons toujours. La faute elle-même, nos fautes et nos péchés, ce n’est pas ce qui doit nous retenir, nous terrifier, ou nous culpabiliser. Les conseils que donne Jésus ne consistent pas non plus en de bonnes procédures d’analyse de leur faute et de repentance, non. Ce qu’il veut leur montrer, c’est ce qui est le véritable ciment de leur communauté, de la vie qu’il leur donne, et ce ciment ce n’est pas leur petit moi repentants. Si cette nouvelle communauté qu’il crée parmi eux tient ensemble ce n’est pas la pureté et la justice de ses membres qui la cimente, non. Une seule chose peut les tenir ensemble, c’est l’écoute. Le shema Israel, « écoute Israel » que tous les juifs connaissent par cœur. Ce que le Dieu d’Israël demande à son peuple depuis le début « Ecoute », « écoute-moi », « écoutez-vous ». Il veut que ses disciples soient des gens d’écoute, des gens de dialogue. L’écoute, voilà la nouvelle loi, la nouvelle règle, le nouveau code pour faire partie de la communion de Dieu. C’est l’absence d’écoute qui défait et détruit un frère – ou une sœur. C’est l’absence d’écoute qui fait qu’il ou elle s’exclut elle-même de la communauté, qu’il ou elle peut devenir pour ses propres frères et sœurs un étranger, « un gentil ou un collecteur d’impôts ». Ce qui nous conduit vraiment à la mort devant Dieu, ce n’est pas de faire ci ou de faire ça, c’est de refuser d’écouter les sollicitations et les plaintes qu’il nous adresse. Ce qui nous conduit vraiment à la mort c’est de refuser d’écouter les plaintes des autres, refuser d’entrer en dialogue, en discussion avec ceux qui viennent à nous, quels qu’ils soient, dans leur bon droit ou non.

Dans le contexte de la crise écologique que nous traversons je crois que l’évangile d’aujourd’hui, qui peut paraître très sévère au premier abord, peut en fait nous redonner espoir. Car si dans notre cas nous péchons évidemment contre nos frères et sœurs humains et non-humains par la façon dont nous vivons, par les choix de société et personnels que nous faisons, nous pouvons aussi choisir de ne pas refuser d’écouter leurs plaintes et celles de celles et ceux qui se joignent à eux quand des écosystèmes entiers sont en détresse. Nous pouvons accepter de « regarder notre faute » et d’écouter les plaintes qu’elle suscite et qui nous sollicitent corps et âme. Nous écoutons mal, c’est vrai, mais l’Esprit que Dieu nous a donné travaille en nous à nous apprendre à écouter, si nous le laissons faire. D’ailleurs, même si nous écoutons mal, nous ne pouvons pas ne pas remarquer qu’ici et là de plus en plus de personnes, d’associations, de gouvernements commencent à écouter ces plaintes. La miséricorde de Dieu est à l’œuvre parmi nous, au plus près de nos péchés, elle s’y colle si bien, comme la crasse de mon climatiseur, que nous serions fous de céder au désespoir et de croire que Dieu nous a abandonné. Dieu agit, quelque chose se passe, et nous pouvons rendre grâce à Dieu que nous commençons à écouter les plaintes de ce qui nous entoure et que nous bafouons.

Bien sûr, le gouffre, entre ce qu’il est nécessaire de faire pour changer la donne climatique et notre réelle capacité d’action reste source d’angoisse pour beaucoup d’entre nous. On est souvent est pris, saisis, compromis dans tant de bruit qu’on ne sait pas quoi faire et où ne peut plus écouter. Mais ne pas savoir quoi faire – ne plus pouvoir écouter – c’est, parfois, la première étape d’une conversion. La mort qu’il nous faut pour revivre. Personnellement, ma conversion est passé par une période de dépression où la seule chose que je pouvais répondre aux questions de mes proches qui me proposait de faire ci ou ça c’était « je ne sais pas. Je ne sais pas. Je ne sais pas ». Je ne savais pas quoi répondre, mais tout ce que je savais c’est que je ne savais pas et de là tout mon monde s’est recomposé autour de celui qui nous donne sa parole de vie pour que nous n’ayons plus à « savoir » ci ou ça mais à écouter, à aimer, à espérer.

La destruction de l’environnement, qui rend notre habitat inhospitalier nous rappelle que Dieu, en Jésus Christ, qui est l’alpha et l’oméga est notre premier environnement, celui qui donne vit à tout. Dans cet incendie, nous sommes dépendant à la paix que Dieu nous donne et qu’il veut que nous partagions les uns avec les autres par notre bienveillance, notre écoute. Notre communion est la seule issue, dans le désespoir. C’est la seule qui en tous lieux et en tout temps, dans toutes les circonstances nous permet de gouter à la paix et la justice que Jésus nous donne déjà et nous promet de vivre pleinement. Dans cette communion entre nous et avec lui nous trouvons une armure contre le désespoir. Et elle brille vraiment quand nous gardons ensemble le sanctuaire de nos cœurs où nous écoutons Jésus Christ nous parler. Nous ne pouvons pas plus sauver la planète par notre intelligence que nous n’avons pu sauver le Christ de la Croix, ni que nous pouvons sauver qui que ce soit ou nous sauver nous-mêmes.

Cette communion avec lui que Dieu nous donne dans la prière, et qui nous permet d’inventer de nouvelles façons d’être dans notre monde post-écocide, nous la recevons réellement, matériellement dans l’Eucharistie. Dans l’Eucharistie, où nous amenons nos dons et tout ce que nous sommes, Jésus nous donne « part avec lui au salut » de ses créatures comme disait Ste Thérèse de Lisieux. Par l’Eucharistie au corps et au sang de Jésus se converti mystérieusement notre rapport déréglé au monde et aux autres. À ce repas nous sommes accueillis en celui qui a éprouvé la mort et nous mène avec lui dans la vie nouvelle, à même ce monde. A nous aussi de partager cette offrande en aimant comme il nous aime, en accueillant comme il nous accueille, en servant comme il nous sert, en écoutant comme il nous écoute.

Comme les oiseaux finalement, qui font en ville leurs nids des déchets laissés par les humains, nous pouvons aussi, dans la Croix de Jésus Christ, en recevant la communion à son corps et à son sang, former une communauté de vie, un nid et un refuge, avec les débris de ce monde et de nos péchés. Il suffit que nous y mettions du soin, de l’attention, de l’amour. Il suffit d’écouter et de se laisser porter par le souffle de Dieu, comme les petits oiseaux.

JFAB

 

Pentecost XV
Proper 18A
Exodus 12:1-14
Psalm 149
Romans 13:8-14
Matthew 18:15-20

Next Sunday, a major protest will take place in New York City to call for an end to fossil fuels. Their exponential use since the Industrial Revolution is the main cause of the ecological collapse we are experiencing, and whose consequences we are only just beginning to suffer. I’ve had time, just back in this city, to meditate on this inextricable disaster… It was last week when I spent more than an hour cleaning the thick gunk of pollution spewing from the air conditioner in my new New York nest, i.e. the apartment in the building next door where the Church has given me a place to live. By dint of elbow grease, I managed to clean up the polluted soot, using a toxic product contained in a single-use plastic spray… of course, it goes without saying that the use of the AC itself also contributes greatly to air pollution… Our ecological sin is inextricable, sticking and spreading everywhere like pollution. Once the work was done, I couldn’t sit back in the cool breeze of the AC without wondering: where in all this, in our compromises, in our repeated sins against creation, is the breath of the Creator, Redeemer and Living God?

In today’s Gospel, Jesus himself gives his disciples advice on how to deal with those in the community who harm their brothers and sisters. As polluters, we also harm others, both directly and indirectly. We find ourselves in a situation where we can’t help but harm other living beings, even if we don’t immediately see the consequences. Evil clutches and twists us like a snake, and we often feel guilty for not being able to resist it. In this situation where the communion of the community is threatened because of a fault, I don’t know if you’ve noticed, but Jesus never asks the one who is shown his fault to confess it, to make amends or to feel sorry for himself. Perhaps, and this is how I think the passage can be read, the reality of the fault – even if it were obvious – is not what interests Jesus. In fact, the verb Jesus repeats again and again is not “to ask forgiveness” or “to acknowledge one’s fault”, but “to listen”. The problem is not that in this situation, where the communion between two brothers is wounded, a fault has been committed, no. We sin, it happens. We sin, it happens, we make mistakes, and we always will. The fault itself, our faults, and sins, is not what should hold us back, terrify us, or make us feel guilty. Good procedures for analyzing their fault and repenting are neither the advice Jesus gives, no. What he wants to show them is what is the real cement of their community, of the life he gives them, and that cement is not their repentant little selves. If this new community he creates among them is held together, it’s not the purity and righteousness of its members that does the job. Only one thing can hold them together: listening. The shema Israel, “listen Israel”, which every Jew knows by heart. What the God of Israel has been asking of his people from the very beginning: “Listen”, “listen to me”, “listen to each others”. He wants his disciples to be people of listening, people of dialogue. Listening is the new law, the new rule, the new code for being part of God’s communion. It is the absence of listening that undoes and destroys a brother – or sister. It is the absence of listening that causes him or her to exclude him or herself from the community, to become a stranger to his or her own brothers and sisters, “a gentile or a tax collector”. What really leads us to death before God is not doing this or that but refusing to listen to his requests and complaints. What really leads us to death is refusing to listen to the complaints of others, refusing to enter dialogue, discussion with those who come to us, whoever they may be, in their right or wrong.

In the context of the ecological crisis, we are going through, I believe that today’s gospel, which may seem very harsh at first glance, can in fact give us renewed hope. For while in our case we obviously sin against our human and non-human brothers and sisters by the way we live, by the societal and personal choices we make, we can also choose not to refuse to listen to their complaints and those of those who join them when entire ecosystems are in distress. We can agree to “look at our fault” and listen to the complaints it raises, which call out to us body and soul. It’s true that we don’t listen well, but the Spirit God has given us works within us to teach us to listen, if we let it. What’s more, even if we’re not good listeners, we can’t help noticing that here and there, more and more people, associations and governments are beginning to listen to these complaints. God’s mercy is at work among us, close to our sins, sticking to them so well, like the grime on my AC, that we’d be fools to give in to despair and believe that God has abandoned us. God is acting, something is happening, and we can thank God that we are beginning to listen to the complaints of those around us whom we scorn.

Of course, the gulf between what needs to be done to change the climate and our real capacity for action remains a source of anguish for many of us. We’re often caught up in so much noise that we can’t listen and don’t know what to do. But not knowing what to do – not being able to listen – is sometimes the first step towards conversion. It might be the death we need to live again. Personally, my conversion happened through a period of depression when the only thing I could answer to the questions of my family who suggested we do this or that was “I don’t know. I don’t know. I don’t know”. I didn’t know what to answer, but all I knew was that I didn’t know, and from then on my whole world was recomposed around the one who gives us his Word of life, so that we no longer have to “know” this or that, but to listen, to love, to hope.

The destruction of the environment, which makes our habitat inhospitable, reminds us that God, in Jesus Christ, who is the alpha and omega, is our first environment, the one who gives life to everything. In this fire, we are dependent on the peace that God gives us, and which he wants us to share with one another through our kindness and listening. Our communion is the only way out of despair. It’s the only way, in all places and at all times, in all circumstances, to taste the peace and justice that Jesus already gives us and promises to live out to the full. In this communion with each other and with him we find an armor against despair. And it really shines when we guard together the sanctuary of our hearts where we listen to Jesus Christ speak to us. We can no more save the planet by our human designs than we could save Jesus from the Cross, nor can we save anyone or ourselves.

This communion with him that God gives us in prayer, and which enables us to invent new ways of being in our post-ecocide world, we receive materially in the Eucharist. In the Eucharist, where we bring our gifts and all that we are, Jesus gives us “to share with him in the salvation” of his creatures, as St. Thérèse of Lisieux once said. Through the Eucharist, the body and blood of Jesus mysteriously transforms our dysfunctional relationship with the world and each other. At this meal, we are welcomed into the one who experienced death, and leads us with him into new life, even in this world. It’s up to us too to share in this offering, loving as he loves us, welcoming as he welcomes us, serving as he serves us, listening as he listens to us.

Like the birds that make their nests in the city from the garbage left by humans, we too can, in the Cross of Jesus Christ, by receiving communion in his body and blood, form a community of life, a nest and a refuge, with the debris of this world and of our sins. All it takes is care, attention, and love. All we must do is listen and let ourselves be carried along by God’s breath, like little birds.

JFAB