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Christ Roi – Christ the King

Aujourd’hui l’Église célèbre la fête du Christ Roi. Pour beaucoup d’entre-nous qui vivons dans des Républiques ou monarchies constitutionnelles où le pouvoir du souverain est strictement encadré, l’idée de célébrer Jésus comme Roi tout-puissant peut vraiment sembler anachronique. Nous aimons bien les rois et les reines dans les contes de fée ou les magazines people mais s’il faut en adorer un à l’église… on rechigne ! Beaucoup de pays, comme celui-ci, ou comme la France sont fiers de s’être débarrassés de ce qu’un chant révolutionnaire français appelle « l’infâme royauté ». La monarchie absolue incarne en effet beaucoup de choses et de valeurs que nous rejetons aujourd’hui : fait du prince, inégalité, paternalisme, ou encore abus et excès en tous genres dus à l’égo surdimensionné du souverain. À bon droit on n’est pas sûr de croire en un Dieu qui se draperait dans tous ces comportements autocratiques et ces valeurs autoritaires qui incarnent pour nous aujourd’hui ce qu’est un « roi » …

Le passage de l’Évangile que l’Église lit aujourd’hui va peut-être nous aider à démêler un peu la question. L’Évangile du jour, tiré des discours de Jésus sur la fin des temps que l’on trouve vers la fin de l’Évangile de Matthieu, met en scène un roi qui rend un jugement entre deux groupes de gens. Jusque-là c’est assez traditionnel pour un roi ! Pourtant dans ce jugement que nous raconte Jésus il y aussi certaines choses qui clochent et qui nous forcent à nous arrêter un peu. Il y a d’abord la figure assez mystérieuse du Fils de l’homme auquel s’identifie souvent Jésus dans les Évangiles et qui rassemble plusieurs caractéristiques qu’on n’imagine pas chez nos rois contemporains. Le roi que décrit Jésus est en effet autant un juge qu’un berger ! Et il ne s’agit pas ici de jouer à la Bergère comme Marie-Antoinette dans son hameau. Non. Comme le prophète Ezéchiel nous le rapporte, dans la Bible hébraïque Dieu compare souvent lui-même sa relation à son peuple à celle d’un berger avec son troupeau : il est proche de ses moutons, aimant, à leurs soins. Il regroupe son troupeau éparpillé, il le conduit dans des endroits bienfaisant pour lui, il guérit les malades. Dieu aime son peuple comme un berger qui il se plie en quatre pour ses bêtes. C’est d’ailleurs le berger que Dieu donne comme modèle aux hommes qu’il établit rois en Israël. La royauté de Dieu est donc bien loin, nous le voyons dans cette parabole, des ors de Versailles. Le palais de Dieu – nous le découvrons à Noël – ressemble plus à une étable qu’à Buckingham Palace. Son trône c’est la croix, sa couronne des épines.

Une autre chose qui détonne dans cette parabole c’est que le Roi-Berger que nous donne à voir Jésus est tout sauf un roi absolu qui serait jaloux de son pouvoir. À ceux qui ont servi il donne généreusement son royaume, il remet son pouvoir. Et ce qui est encore plus surprenant dans ce partage, c’est que les gens qui le reçoivent n’ont même pas eu à lui prêter allégeance personnellement, comme c’est d’usage pour hériter d’un royaume. Le Roi-Berger, auquel s’identifie Jésus ne s’enorgueillit pas non plus de son titre et contrairement rois, présidents, nations, ou bienfaiteurs, et à beaucoup d’entre nous il ne tient pas à être reconnu. Le pouvoir de ce Roi-Berger, sa puissance, s’ancre et agit à un tout autre niveau que les pouvoirs politiques de ce monde. Son pouvoir est un pouvoir sur la mort elle-même, un pouvoir sur la mort et tous ses avatars que sont entre autres l’injustice, l’abandon, la misère et l’indifférence.

Contrairement aux royaumes du monde qui s’étendent par la guerre et en détrônant les rois voisins, la royauté du Christ s’étend à mesure que nous y prenons part. Dieu nous offre son royaume, son pouvoir sur la mort, mais c’est à nous de l’accepter en nous mettant au service de ceux que la mort écrase, en devenant les agents de sa croix victorieuse. Depuis le début, d’ailleurs, depuis la fondation du monde, Dieu veut partager sa souveraineté avec les êtres humains mais c’est nous qui, riches de ses dons, ne voulons plus les partager ! Le royaume de Dieu s’étend à mesure que d’autres, que nous-mêmes, devenons avec lui rois et reines de son royaume. Comment héritons-nous aussi son pouvoir sur le mal et le malheur ? Jésus nous le montre par cette parabole. C’est en nous mettant au service des autres, particulièrement de celles et ceux qui sont la proie de la mort et des avatars. Rien ne défait plus sûrement le mal que de montrer un peu d’amour. Rien ne vient mieux à bout de la peur, de la solitude, du dénuement que de pouvoir les partager avec d’autres. Le résumé visible de tous ces sacrifices nous le trouvons à cette table quand nous communion au corps brisé et au sang verse de Jésus Christ. Ici Jésus nous accueille, nous rassemble, nous soutient, nous guérit et nous apprend aussi à accueillir, rassembler, soutenir, guérir. Il nous donne de partager son règne lui qui règne non d’en haut, mais d’en bas, non en demandant d’être servi mais en servant. C’est à même notre réalité humaine dans toutes nos relations quotidiennes, dans les activités de l’église, dans les fêtes, au travail que nous pouvons hériter de ce royaume. C’est en donnant de ce que nous avons comme ressources, comme talents, comme attention, comme présence, en donnant ce que nous sommes que nous entrons dans le règne de Jésus et que nous pouvons y inviter les autres qui sont accablé par les pouvoirs injustes, brutaux et sans pitié de ce monde. Dieu règne non comme un pacha qui nous donne de son surplus mais comme un roi souffrant pour nous, qui sans cesse prend soin de nous d’une manière qui lui coûte.  Toute la grandeur de l’homme, là où elle rejoint celle de Dieu c’est de donner et de se donner. C’est le don de Dieu qui nous forme à donner et à nous donner, libéralement, royalement. Le prêtre catholique suisse Maurice Zundel le disait ainsi : “tout ce que Dieu nous demande, c’est un don magnifique, parce que finalement Dieu nous demande de devenir ce qu’il est. Comme il ne fait jamais autre chose que de tout donner en se donnant, notre grandeur et notre gloire, c’est d’apprendre, nous aussi, à donner.”

Je voudrais conclure en disant quelques mots de ces chèvres qui représentent ceux qui n’ont pas fait preuve de compassion envers les plus démunis et qui sont finalement rejeté par le Berger de notre histoire, en rappelant deux choses. D’abord qu’une parabole n’est pas un pas l’alpha et l’oméga des mystères du salut. Jésus n’en aurait pas raconté plus de 50 autrement ! Ce sont des histoires qui nous font réfléchir mais qui demandent toujours d’être lues en communauté, avec d’autres, et en dialogue avec les réalités du monde. Ensuite, pour vous rassurer sur le sort de ces pauvres chèvres parmi lesquelles nous vous reconnaissez peut-être comme moi, il est intéressant de constater qu’à bien des égards Jésus est lui-même cette chèvre. Il accomplit dans sa Passion le rite sacrificiel du bouc émissaire (un bouc n’étant qu’une chèvre mâle) décrit dans le livre du Lévitique. Comme le bouc émissaire, chargé des péchés du peuple, était envoyé dans le désert ou jeté dans un ravin en dehors de Jérusalem, Jésus est chassé de la Ville Sainte, meurt sur la Croix entouré du diable et des anges, rejeté de tous. En un sens, le Christ lui-même est devenu cette chèvre maudite pour que, tout chèvres que nous sommes, nous puissions entrer dans le troupeau des moutons et hériter du royaume du Roi-Berger.

Today, the Church celebrates the feast of Christ the King. For many of us who live in constitutional republics or monarchies where the power of the sovereign is strictly framed, the idea of celebrating Jesus as the all-powerful King may well seem anachronistic. We like kings and queens in fairy tales and celebrity magazines, but if we have to worship one in church… we may well balk! Many countries, like this one and like France are proud to have got rid of what a French revolutionary song called “infamous royalty”. Absolute monarchy embodied many of the things and values we reject today: fait du prince, inequality, paternalism, and abuses and excesses of all kinds due to the sovereign’s oversized ego. With good reason, we’re not sure we believe in a God who would indulge in all the autocratic behavior and authoritarian values that embody what a “king” is for us today…

Perhaps the Gospel passage the Church is reading today will help us to untangle the question a little. Today’s Gospel, taken from Jesus’ discourses on the end times found towards the end of Matthew’s Gospel, features a king passing judgment between two groups of people. So far, so traditional for a king! However, there are a number of things that don’t quite add up in this judgment that Jesus tells us about, and that force us to stop for a moment. First of all, there is the rather mysterious figure of the Son of Man, with whom Jesus often identifies himself in the Gospels, and who combines a number of characteristics that we can’t imagine in our contemporary kings. The king Jesus describes is just as much of a shepherd as a judge! And it’s not a question of playing the shepherdess like Marie-Antoinette in her hamlet. No. In the Hebrew Bible, as the prophet Ezekiel tells us, God himself often compares his relationship with his people to that of a shepherd with his flock: he is close to his sheep, loving, caring for them. He gathers his scattered flock, leads them to places that are good for them, and heals the sick. God loves his people like a shepherd who would do anything for his animals. In fact, it is the shepherd whom God uses as models for the men he establishes as kings in Israel. As we see in this parable, God’s kingship is a far cry from the gold of Versailles. God’s palace – as we discover at Christmas – is more like a stable than Buckingham Palace. His throne is the cross, his crown is made of thorns.

Another thing that stands out in this parable is that the Shepherd-King Jesus shows us is anything but an absolute king who is jealous of his power. To those who have served, he generously gives his kingdom and hands over his power. And what’s even more surprising about this sharing of power is that the people who receive it didn’t even have to pledge allegiance to him personally, as is customary for inheriting a kingdom. Nor does the Shepherd-King with whom Jesus identifies take pride in his title, and unlike kings, presidents, nations, or benefactors – and many of us – he doesn’t care to be recognized. The power and might of this Shepherd-King is rooted in and acts on an altogether different level from the political powers of this world. His power is a power over death itself, a power over death and all its avatars, including injustice, abandonment, misery and indifference.

Unlike the kingdoms of the world, which expand through war and the dethroning of neighboring kings, Christ’s kingship expands as we share in it. God offers us his kingdom, his power over death, but it’s up to us to accept it by placing ourselves at the service of those crushed by death, by becoming the agents of his victorious cross. In fact from the very beginning, since the foundation of the world, it has been God’s will to share his sovereignty with human beings. But it is we who, rich in his gifts, no longer want to share them! God’s kingdom expands as we and others become kings and queens of his kingdom. We receive our kingdom at this table, as we share in the broken body and shed blood of Jesus Christ. Here, Jesus welcomes us, gathers us, supports us, heals us and teaches us to welcome, gather, support and heal. He gives us a share in his reign, which he rules not from above, but from below, not by asking to be served, but by serving. We can inherit this kingdom through our human reality, in all our daily relationships, church activities, parties and at work. It is by giving of what we have as resources, as talents, as kindness, as presence, by giving what we are that we enter the reign of Jesus, and that we can invite into it others who are overwhelmed by the unjust, brutal and merciless kings of this world. God reigns not as a pasha who gives us his surplus, but as a king who suffers for us, who ceaselessly cares for us in ways that cost him.  The greatness of man, where it meets that of God, is to give and to give oneself. It is God’s gift that shapes us to give and to give ourselves, liberally, royally. The Swiss Catholic priest Maurice Zundel put it this way: “everything God asks of us is a magnificent gift, because ultimately God asks us to become what he is. Since he never does anything other than give everything by giving himself, our greatness and our glory is to learn, we too, to give.”

I’d like to conclude by saying a few words about these goats, who represent those who have failed to show compassion to the neediest, and who are ultimately rejected by the Shepherd of our story, by reminding us of two things. First, a parable is not the alpha and omega of the mysteries of salvation. Otherwise, Jesus wouldn’t have told more than 50 others! They are stories that make us think, but they always need to be read in community, with others, and in dialogue with the realities of the world. Finally, to reassure you about the fate of these poor goats, among whom you may recognize yourself as I do, it’s interesting to note that in many ways Jesus himself is the chief goat. In His Passion, He performed the sacrificial rite of the scapegoat described in the Book of Leviticus. Just as the scapegoat was sent out into the desert burdened with the sins of the people, or thrown into a ravine outside Jerusalem, Jesus is driven out of the Holy City. He dies on the Cross surrounded by the devil and his angels, rejected by all. For us, Christ himself became that accursed goat so that – goats that we are – we might enter the flock of sheep and inherit the kingdom of the Shepherd-King.

JFAB