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Le 3e dimanche après l’Épiphanie                                                                 le 21 janvier 2024

Connaître c’est bien plus qu’avoir des informations quelque part dans notre mémoire, personnelle ou collective. Si on dissèque le mot in-formation on voit bien d’ailleurs que toute in-formation est toujours plus que de simples « données ». L’information nous « forme » aussi, elle forme qui nous sommes, notre personnalité, nos communautés, notre vision du monde, ce que nous faisons… Ce que nous savons finit toujours par informer qui nous sommes et qui nous devenons car nous pouvons utiliser ce que nous savons pour agir pour le meilleur ou pour le pire. Savoir des choses sur ce qui nous entoure, les autres et nous-mêmes n’a jamais été aussi facile et prisée d’aujourd’hui. Ces informations ont plus que jamais un impact sur nos vies. Recevoir de bonnes informations cela peut aider par exemple un médecin à soigner une maladie en faisant un bon diagnostic médical. Mais recevoir de mauvaises informations peut au contraire nous rendre plus qu’inhumain. Beaucoup de témoins des guerres civiles et des génocides le rapportent : c’est la diffusion systématique de fausses informations, de rumeurs et de préjugés qui finissent par conduire des gens de milieux, d’origines et d’âges différents à perpétrer des massacres contre leurs voisins, parfois même les membres de leurs proches.

Dans les Ecritures, Dieu ne s’intéresse pas à ce que nous sachions « des choses », ou que nous ayons de bonnes informations. D’ailleurs, si nous n’avions que la Bible nous ne saurions vraiment pas grand-chose sur l’univers, la médecine, le commerce, l’histoire ou quoi que ce soit ! Et ce n’est pas parce qu’à l’époque où les textes de la Bible ont été écrits on ne savait rien de tout cela, au contraire. Les bibliothèques du Proche-Orient Ancien étaient pleines de livres savants dont on a retrouvé des copies dans les fouilles archéologiques. Si la Bible est si peu « sérieuse » dans les informations qu’elle nous donne c’est sûrement parce que ce n’est pas ce que Dieu veut nous faire comprendre sur nous-mêmes et notre relation à lui. Il veut nous montrer que ce que nous prisons n’est peut-être pas ce qui est le plus important. Depuis le début de l’aventure de Dieu avec les humains, on voit en fait que ce sont les humains qui choisissent de se rapporter aux choses qu’ils croient connaître plutôt qu’à Dieu. L’histoire de « la chute » dans le livre de la Genèse c’est cela : les premiers humains préfèrent écouter l’information mensongère du Serpent plutôt que de faire confiance à Dieu qui est proche d’eux et qui pourvoit à tous leurs besoins. En manipulant ainsi la réalité et l’information comme le Serpent nous l’a appris nous pouvons former de petits mondes à notre image pour mieux abuser les autres et nous bercer d’illusions. Mais voilà, cette attitude est en tout point différente de ce que Dieu veut depuis le début : ce qu’il veut c’est que nous le connaissions-lui, plus encore, que nous l’aimions. Même quand il nous donne des enseignements c’est pour que nous entrions plus authentiquement en relation avec lui et les uns avec les autres, pas pour que nous les utilisions sans lui ou les uns contre les autres.

La seule façon que Dieu a trouvé de nous tirer de notre relation pervertie à l’information c’est de venir lui-même à notre recherche, de faire vivre la Bonne nouvelle parmi nous. L’appel que Jésus lance à tous, et particulièrement à Simon, André, Jacques et Jean au début de l’Evangile d’aujourd’hui est très déconcertant : si comme moi vous êtes très prudent et que nous aimez tâter le terrain et collecter des renseignements avant de vous lancer dans quoi que ce soit, cette histoire doit vous mettre mal à l’aise. En suivant Jésus immédiatement, ces hommes ne laissent pas les informations, leur jugement, faire obstacle à l’amour auquel Dieu les appelle en les appelant. Cela viendra : ils lui poseront des questions, ils douteront, ils le mettront même au défi, mais leur relation à Jésus ne commence pas comme cela. Leur relation avec Jésus commence par de la confiance, de l’amour, de la folie même un peu, c’est leurs cœurs qui répondent, ce n’est pas leurs intelligences et encore moins leurs bouches : « Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent. » S’ils ne posent pas de questions, Jésus ne cherche pas non plus à les convaincre à force d’idées et d’arguments : il ne cherche pas à les persuader en mettant en avant son pédigrée. Cette attitude des premiers disciples et de Jésus a de quoi nous faire réfléchir. Pour nous, suivre le Christ et rassembler ses disciples n’a pas non plus besoin d’être le produit de longues réflexions. Dieu merci, nous n’avons pas à connaître Jésus pour l’aimer. À ce moment-là d’ailleurs, pour Simon, André, Jacques et Jean, Jésus ne représente rien, presque rien. Pour eux, il n’est rien selon les standards du monde, mais l’amour et l’intimité qu’il leur montre, et qu’il veut aussi avoir avec nous cela est vrai et réel. C’est cette intimité qui nous convainc et nous transforme, celle que nous avons avec Dieu quand il laisse tomber sa gloire en devenant humain et que nous laissons tomber notre orgueil en lui répondant.

Ce qui va arriver ensuite aux disciples du Christ, c’est ce qui nous arrive à nous aussi. Au cours des épreuves, des joies de leur pérégrinations avec lui, ils vont devenir de plus en plus intime avec lui, entrer de plus en plus dans le mystère de l’humanité de Dieu et de leur propre humanité. En suivant Jésus, Simon, André, Jacques, Jean et tous les autres vont devenir plus humains que jamais, en entrant plus que jamais en cœur à cœur avec la souffrance et la violence du monde qui passe aussi à travers eux. Nous pouvons être assurés que si nous grandissons dans l’intimité avec le Christ, comme ses premiers disciples, nous le suivrons partout où il ira. Il nous conduira plus loin que notre humanité, au-delà de nos points-de-vue partisans, exclusifs, égoïstes, au-delà de la mort et de nous-mêmes,

À mesure qu’ils vont devenir de plus en plus proches du Christ, les disciples de Galilée vont aussi devenir plus proches les uns pour les autres. C’est dans ce mystère que nous entrons chaque fois que nous prions le Seigneur les uns pour les autres : proche de lui nous pouvons devenir proche des autres, mêmes ceux que nous ne connaissons pas, que nous ne voyons pas ou plus. C’est dans ce mystère d’intimité que nous sommes accueillis à sa table, sans avoir à nous justifier ou à nous présenter. Ici ce qui nous rassemble ce n’est pas ce que nous savons les uns sur les autres, sur nous-mêmes, ou sur Dieu. C’est Jésus Christ lui-même qui nous forme en son corps, qui nous rapproche et nous forme à vivre ensemble, nous nourrit, nous guérit, nous fait faire de grandes choses ensemble. Et cette communion est bien plus grande que cette table : proches de Jésus, nous recevons comme nos proches tous les humains, toutes les créatures.

Prions. Seigneur, toi qui t’es fait proche, créature comme nous, dans tout ce que nous apprenons et faisons apprends nous à te suivre et à t’aimer avec enthousiasme et passion. Ramène notre cœur vers toi, guide notre esprit, occupe notre imagination, dirige notre volonté ; afin que nous soyons toujours à toi, entièrement à toi ; puis emploie-nous à ta guise pour assurer ta gloire et la vie du monde. Par Jésus le Christ, notre Seigneur. Amen.

JFAB

 

Epiphany III
January 21, 2024
Jonah 3:1-5, 10, 1 Corinthians 7:29-31, Mark 1:14-20

Knowing about something is much more than having information somewhere in our personal or collective memory. If we examine the word ‘in-formation’, we can see that all knowledge is always more than just passive “data”. In-formation also “forms” us, it shapes who we are, our personality, our communities, our vision of the world, what we do… What we know always ends up informing who we are and who we become, because we can use what we know to act for better or for worse. Knowing things about ourselves, others and the world around us has never been easier or more useful. More than ever, this knowledge has an impact on our lives. Obtaining good information can, for example, help a doctor to treat an illness by making a correct medical diagnosis. But receiving bad information can, on the contrary, make us more than inhuman. Many witnesses to civil wars and genocides report that it is the systematic dissemination of false information, rumors and prejudice that eventually leads people of different backgrounds, origins and ages to perpetrate massacres against their neighbors, sometimes even members of their own family.

In the Scriptures, God is not interested in us knowing “things”, or having good information. Besides, if we only had the Bible we really wouldn’t know much about the universe, medicine, commerce, history or anything! And it’s not just the idea that when the Bible was written, none of this was known – on the contrary. The libraries of the Ancient Near East were full of scholarly books, copies of which have been found in archaeological excavations. If the Bible is so “unserious” about the information it gives us, it’s surely because that’s not what God wants us to understand about ourselves and our relationship with him. He wants to show us that what we are looking for may not be the most important thing. In fact, from the very beginning of God’s adventure with mankind, we see that humans choose to relate to the things they think they know, rather than to relate to God. The story of “The Fall” in the Book of Genesis is just such a story: the first humans prefer to listen to the Serpent’s misleading information rather than trust in God, who is so close to them and who provides for all their needs. By manipulating reality and information in the way the Serpent taught us, we can form little worlds in our own image; the better to deceive others and delude ourselves. But this attitude is completely different from what God has always wanted for us: what he wants is for us to know him, and even more, to love him. Even when he offers us teachings, it’s so that we can enter into a more authentic relationship with him and with each other; not so that we can use them without him or use those teachings against each other.

The only way that God has found to draw us out of our perverted relationship with knowledge is to come himself in search of us, to make the Good News alive as one of us. Jesus’ call to all, and especially to Simon, Andrew, James and John at the beginning of today’s Gospel, is a very strange one. If, like me, you’re very cautious and like to test the waters and gather information before embarking on anything, this story must make you uncomfortable. By immediately following Jesus, these men don’t let their knowledge or their judgment get in the way of the love God offers to them by calling them. Knowledge and judgement will come; they will ask him questions, they will doubt, and they will even challenge him. But their relationship with Jesus doesn’t start like that. Their relationship with Jesus begins with trust and love – even a little foolishness; it’s their hearts that respond, not their minds and even less their speech: “Immediately they left their nets and followed him.” They didn’t ask questions; Jesus didn’t try to convince them with information and arguments: he didn’t try to persuade them by putting forward his credentials. This attitude of the first disciples and of Jesus gives us food for thought. For us, following Christ and bringing together his disciples doesn’t need to be the product of long reflection either. Thank God, we don’t have to know Jesus to love him. In fact, for Simon, Andrew, James and John, Jesus represents nothing, or almost nothing. He is nothing according to the world, but the love and intimacy that he shows them, (the same love and intimacy he wants to have with us), is true and real. It is this intimacy that overcomes and transforms us, the intimacy we have with God when he lets go of his glory by becoming human, and we let go of our pride by responding to him.

Later in the Gospel, what happens to Christ’s disciples happens to us too. Through the trials and joys of their travels with him, they became more and more intimate with him, entering more and more into the mystery of God’s humanity and their own. By following Jesus, Simon, Andrew, James, John and all the others will become more human than ever, entering deeply into the suffering and violence of the world that also passes through them. We can be sure that if we grow in intimacy with Christ, like his first disciples, we will follow him wherever he goes. He will lead us beyond our humanity, beyond our partisan, exclusive, selfish viewpoints, beyond death and beyond ourselves.

As they become closer and closer to Christ, the disciples of Galilee will also become closer to one another. This is the mystery we enter into every time we pray to the Lord for one another: close to him, we can become close to others, even those whom we don’t know, can’t see or no longer see. It is in this mystery of intimacy that we are welcomed at his table, without having to justify ourselves or introduce ourselves. Here, what brings us together is not what we know about each other, about ourselves, or about God. It’s Jesus Christ himself who forms us into his body, who brings us together and trains us to live together, nourishes us, heals us, makes us do great things together. And this communion is much greater than this table: close to Jesus, we welcome all humans, all creatures, as our loved ones.

Let us pray. Lord, you drew close to us by becoming a creature like us. In all that we learn and all that we do, teach us to follow and love you with enthusiasm and passion. Draw our hearts to you and guide our minds, fill our imaginations and control our will, that we may be entirely yours, dedicated to you; and then use us, we pray, as you will, and always to your glory and the life of the world; through our Lord and Savior Jesus Christ. Amen.

JFAB