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Le premier dimanche de Carême                                               le 26 février 2023

Il y a environ cent trente mille ans, l’homme moderne a migré de l’Afrique vers le Moyen-Orient. L’île de La Nouvelle-Zélande était l’une des dernières parties du monde non touchées par l’homme moderne jusqu’à ce que celui-ci y arrive en bateau d’Hawaï il y a environ 700 ans. La Bible compte 1189 chapitres, dont douze seulement sont consacrés à l’histoire du monde avant le début de l’histoire d’Abraham, vers 1800 av. J.-C.. Ces douze chapitres se présentent sous la forme de mythes, de légendes et de fables, et sont destinés à couvrir 125 000 ans d’histoire humaine dans l’ancien Proche-Orient ! Pourquoi la Bible nous donne-t-elle si peu de récits sur les débuts de l’histoire des êtres humains ? On dirait que les auteurs étaient pressés d’arriver aux « bonnes parties » – celles qui concernent la relation entre Dieu et le peuple juif – et qu’ils ont donc accordé peu d’attention à ce qui s’est passé avant l’existence d’Abraham. En fait, ces premiers chapitres de la Genèse n’ont jamais été conçus comme un récit littéral des débuts de l’humanité. Ils ne constituent pas une « histoire » au sens où nous l’entendons. Ils tentent d’expliquer pourquoi le serpent rampe sur le sol, pourquoi il est difficile de faire pousser des cultures, pourquoi on trouve des coquillages au sommet des montagnes et pourquoi les gens parlent des langues différentes dans le monde entier.

Nous ne devrions pas juger ces histoires anciennes en fonction de leur véracité. Nous devrions plutôt nous poser des questions comme : « Dans quelle mesure explorent-ils les thèmes de l’origine du bien et du mal dans le monde ? Parviennent-ils à expliquer les relations entre l’innocence et la connaissance, la mort et la vie, la faiblesse et le pouvoir ? Parviennent-ils à rendre compte de notre sentiment que Dieu est à la fois inaccessible pour nous, et en même temps très proche ? » Il est plus important d’aller au cœur de ce que les histoires signifient que de vérifier l’exactitude de ce qu’elles disent. La plupart des commentateurs de l’histoire d’Adam et Eve vous diront qu’elle raconte la chute de l’humanité : avant la chute, nous étions dans un état sans péché. Après avoir succombé à la tentation, nous étions capables de pécher, séparés de Dieu et sujets à la mort. Mais le mot « péché » ou « chute » n’apparaît nulle part dans le texte. Les passages que nous lisons parlent d’autre chose. Ils nous parlent de la relation étroite qui existe entre l’innocence et la sagesse, le bien et le mal, l’expérience et la mortalité.

Que voulait Eve lorsqu’elle a écouté le serpent ? Eve recherchait la sagesse, et à la fin de l’histoire – pour le meilleur et pour le pire – elle l’obtient. Tout d’abord, il est important de rappeler que Dieu lui-même n’interdit pas à Ève de manger le fruit. Seul Adam avait été créé lorsque Dieu a donné cette instruction. Eve entend parler de l’arbre par Adam. Deuxièmement, le serpent ne ment pas à Eve. Elle ne meurt pas le jour où elle mange le fruit (comme Dieu avait prévenu Adam). Au contraire, elle fait l’expérience de ce que le serpent lui avait annoncée : ses yeux s’ouvrent et elle reconnaît le bien du mal. Lorsque Dieu la confronte, elle accuse le serpent de l’avoir trompée, mais les propres paroles de Dieu confirment que le serpent disait la vérité : « Voilà que l’être humain est devenu comme un dieu, pour ce qui est de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais. » Troisièmement, Eve mange le fruit non seulement parce qu’il est bon à manger et « agréable à regarder », mais surtout parce qu’il promet la sagesse.

Lorsqu’Adam et Eve mangent le fruit, ils deviennent adultes. Nous n’avons aucune idée de l’état dans lequel ils se trouvaient avant leur transgression ; une vie sans douleur, sans peur et sans aliénation. Mais c’était une vie qui ne pouvait certainement pas être décrite comme pleinement mûre. Là où il n’y a pas de discernement entre le bien et le mal, la maturité est impossible. Si l’on veut grandir en sagesse, il faut accepter de prendre des risques, de souffrir et de se tromper. Le fait qu’elle ait mangé le fruit lui a permis de devenir ce que nous appellerions une personne mûre, voire noble. Si on l’empêchait de connaître le danger et la mort, comment pourrait-elle être courageuse ? Si elle était protégée de la souffrance ou de l’injustice, comment pourrait-elle faire preuve de compassion ? Si elle était protégée de tout préjudice personnel, comment pourrait-elle être miséricordieuse ou pardonner ?

On pourrait dire la même chose de nous-même – à la fois en tant qu’individus et en tant qu’église. Je peux certainement penser à des moments de ma vie où j’ai pris de mauvaises décisions ou fait l’expérience de la souffrance. Si je souhaite que cela n’ait jamais eu lieu, j’espère et je prie pour que ces évènements continuent à être des lieux où je peux grandir pour devenir plus sage et plus gentil. Aujourd’hui, c’est notre premier service dominical dans la salle paroissiale après l’incendie. Nous allons traverser le Carême ensemble dans un endroit où aucun d’entre nous ne le souhaiterait. Mais je sais que nous sortirons de l’exil de notre sanctuaire en ayant grandi ensemble en tant que petite Église française de Saint-Esprit.

Enfin, Eve a été très malmenée par les annonceurs de publicité et les prédicateurs. Ils aiment la dépeindre comme l’archétype de la « femme déchue », proie facile à la tentation et prête à tout essayer pour la première fois. Son choix a eu un coût, elle a dû se confronter à toutes les complications de la maturité humaine. Mais notre histoire nous dit qu’elle a cherché la sagesse par-dessus tout ; et à notre péril et à notre grand avantage, elle l’a trouvée. À l’approche du Carême, nous recherchons la sagesse dans la connaissance de nous-mêmes, tout comme Eve. Et, tout comme Eve, si nous voulons trouver cette sagesse, nous serons obligés d’examiner nos moments de vulnérabilité et de honte. La sagesse a toujours un prix, mais ce prix vaut la peine d’être payé lorsqu’il nous amène à ressembler davantage à la Sagesse incarnée : le Christ qui a embrassé cette vulnérabilité et cette honte. Le Christ nous montre qu’il est possible de connaître le mal et d’en faire l’expérience douloureuse, tout en devenant des êtres humains aimants, indulgents et compatissants.

NJM Ver. Fr. FS

Lent I
February 26, 2023
Genesis 2:15-17; 3:1-7, Romans 5:12-19, Matthew 4:1-11

About one hundred and thirty thousand years ago, modern humans migrated out of Africa into the Middle East. The island of New Zealand was one of the last parts of the world untouched by modern humans until they arrived by boat from Hawaii about seven hundred years ago. The bible has 1189 chapters, and of these merely twelve are dedicated to the history of the world before the story of Abraham begins in about the year 1,800 BC. These twelve chapters are in the form of myths, legends, and fables, and are intended to cover 125,000 years of human history in the ancient near east! Why does the Bible give us so few stories about the early history of human beings? It seems like the authors were in a rush to get to the ‘good parts’ – the parts about God’s relationship with the Jewish people – and so they gave scant attention to what happened before Abraham existed. In fact, those early chapters of Genesis were never meant to be a literal account of early humanity. They are not ‘history’ as we understand the word. They try to explain why the serpent crawls on the ground, why it is hard to grow crops, why shells are found on the top of mountains, and why people speak different languages all over the world.

We shouldn’t judge those early stories by how literally true they are. Instead, we should be asking questions like: “How well do they explore the themes of the origin of good and evil in the world? Do they succeed in explaining the relationships between innocence and knowledge, death and life, weakness and power? How well do they account for our sense that God is both inaccessible to us, and yet at the same time very near?” It is more important to get to the heart of what the stories mean than it is to verify the accuracy of what they say. Most commentators on the story of Adam and Eve will tell you that it recounts the fall of humankind: before the fall, we were in a sinless state. After succumbing to temptation, we were capable of sin, separated from God and subject to death. But nowhere in the text does the word ‘sin’ or ‘fall’ occur. The passages we read speak of something else. They tell us of the close relationship that exists between innocence and wisdom, good and evil, experience and mortality.

What did Eve want when she listened to the serpent? Eve was looking for wisdom, and by the end of the story – for better or for worse – she gains it. Firstly, it is important to remember that God himself doesn’t prohibit Eve from eating the fruit. Adam alone had been created when God gave this instruction. Eve hears about the tree from Adam. Secondly, the serpent doesn’t lie to Eve. She doesn’t die on the day that she eats the fruit (as God had warned Adam). Instead, she experiences what the serpent told her that she would experience: her eyes were opened and she knew good from evil. When God confronts her, she accuses the serpent of deceiving her, but God’s own words confirm that the serpent was telling the truth: “Look, the man has become like one of us, knowing good and evil.” Thirdly, Eve eats the fruit not only because it is good for food and a ‘delight to the eyes’, but chiefly because it promises wisdom.

When Adam and Eve eat the fruit, they become mature. We have no idea what their state was like before they transgressed; a life without pain, fear or alienation. But it was a life that certainly could not be described as fully mature. Where there is no discernment between good and evil, maturity is impossible. If you want to grow in wisdom, you must be willing to undergo risks, pain, and the possibility of getting things wrong. Her eating the fruit made it possible for her to become what we would call mature, and even noble. If she was kept from experiencing danger and death, how could she be courageous? If she was sheltered from suffering or injustice, how could she be compassionate? If she was protected from all personal harm, how could she be merciful or forgiving?

The same might be said of us – both as individuals and as a church. I can certainly think of moments in my life where I have made bad decisions or experienced suffering. While I wish that they had never happened, I hope and pray that they will continue to be places where I can grow to be wiser and kinder. Today is our first Sunday service in the parish room after the fire. We will go through Lent together in a place that none of us would wish on ourselves. But I know that we will emerge from our exile from our sanctuary having grown together as the little French church of St. Esprit.

Finally, Eve has been done a great disservice by advertisers and preachers alike. They love to portray her as the archetypal ‘fallen woman’ – easy prey to temptation and ready to try anything for the first time. Her choice came with a cost, she has to come face to face with all the complications of human maturity. But our story tells us that she sought wisdom above all things; and to our peril and our great advantage, she found it. As Lent proceeds, we seek wisdom about ourselves, just as Eve did. And, just like Eve – if we wish to find that wisdom, we will be obliged to examine our moments of vulnerability and shame. Wisdom always comes at a price, but the price is worth paying when it leads us to more closely resemble Wisdom incarnate: the Christ who embraced that vulnerability and that shame. Christ shows us that it is possible to know evil and to experience its pain, and yet to emerge as loving, forgiving and compassionate human beings.

NJM