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Ex. 20 Les dix paroles

Par Christian Seytre, Président de la Communauté des Eglises protestantes francophones.
New-York 2023

Ce texte s’intitule les 10 paroles. On le traduit souvent par « les 10 commandements » ; dans une certaine mesure ce sont des commandements, mais ce sont aussi des promesses.

Elles sont précédées du rappel de la libération d’Égypte. C’est parce que le peuple est libéré de l’esclavage qu’il peut entendre la voix de Dieu, comprendre sa volonté et la faire.

Cela nous rappelle l’exhortation de l’apôtre Paul dans Eph. 2.8-10 :

« Car c’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi… pour que nous menions une vie riche en actions bonnes, celles qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions ».

Le comportement ne sauve pas, mais il est la conséquence de la libération et du salut. Ainsi nous sommes sauvés, non par les œuvres, mais par la grâce. Les œuvres, les comportements, découlent de ce salut, et les commandements deviennent des promesses que nous pouvons accomplir.

Il y a 10 paroles ; les quatre premières concernent notre relation avec Dieu, les six suivantes notre relation au prochain. Mais peut-on les séparer si facilement ? Tout ce qui concerne Dieu nous concerne, tout ce qui nous concerne, concerne Dieu.

Nous verrons ce matin les 4 premières paroles.

La première parole :

Tu n’adoreras pas d’autres dieux que moi

La première parole découle de l’introduction ; C’est parce que Dieu nous a sauvé que nous devons l’adorer, et lui seul. Les faux dieux asservissent ; le vrai Dieu libère.

Il y a beaucoup de faux dieux dans ce monde :

L’argent, que Jésus appelait Mammon

Le sport, avec ses « dieux du stade » et ses grandes messes au niveau local, national ou mondial. Par exemple la coupe du monde de rugby en ce moment en France !

Certaines idéologies politiques, elles aussi avec leurs grandes manifestations. On ne compte pas le nombre de millions de morts qu’elles ont provoquées au XXème siècle.

Bien sûr, nous avons besoin d’argent pour vivre, bien sûr, nous pouvons regarder un match, bien sûr nous pouvons nous intéresser à la politique et voter ; l’important est notre relation à toutes ces choses. Savoir gérer, pour que le vrai Dieu ait toute la place dans nos vies.

Parmi tous les faux dieux de ce monde, il y a aussi celui que nous transportons en nous même : notre moi, notre égo. Nous nous pensons si intelligent que nous serions prêts à donner des conseils à Dieu.

Méfions-nous de nous-mêmes ; nous ne devons adorer que Dieu !

La 2ème parole :

 

4 Tu ne te fabriqueras aucune idole, aucune représentation de ce qui est dans les cieux, sur la terre ou dans l’eau sous la terre

Cette parole est la suite de la première.

Dieu est esprit ; il est invisible.

La seule image de Dieu sur terre est l’être humain : Gen. 1. 27 :

27 Dieu créa les êtres humains comme une image de lui-même ; il les créa homme et femme.

L’être humain est la seule image de Dieu dans ce monde ; mais ce n’est qu’une image, pas l’original.

Cependant, l’homme a tendance à vouloir se représenter Dieu, à en faire une représentation, et peut-être de la confondre avec l’original. Il fait donc des statues, ou idéalisent des êtres humains.

On se souvient que lorsque Moïse est monté sur la montagne, les Israélites ont demandé à Aaron de fabriquer un veau d’or. Ce n’était pas un autre dieu puisqu’ils dirent : « Voici notre Dieu, qui nous a fait sortir d’Égypte !» et Aaron proclame : « Demain, il y aura une fête en l’honneur du Seigneur !» (Ex. 32.4)

Ils voulaient un Dieu visible.

Faire une statue, c’est vouloir rendre visible l’invisible.

Faire une statue, c’est donc vouloir rendre visible l’invisible, et le figer une bonne fois pour toutes.

Or, Dieu est vivant ; on ne peut pas le figer.

Il n’est pas le dieu de l’image fixe, mais le Dieu de la parole.

« Il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme un bon disciple » dit le prophète Esaïe (Es. 50.4).

Le vrai tabernacle, c’est celui de notre cœur, le vrai temple, c’est notre corps, le vrai Dieu c’est celui qui se révèle à nous, en Jésus-Christ, au-travers de sa parole.

La 3ème parole :

 

7 Tu ne prononceras pas mon nom de manière abusive, car moi, le Seigneur ton Dieu, je tiens pour coupable celui qui agit ainsi

On a souvent pensé qu’il était question des jurons, du fait sans doute que la façon traditionnelle de traduire ce texte était » tu ne prononceras pas mon nom en vain ».

De peur de désobéir à ce commandement, aussi bien en France qu aux États-Unis, on a trouvé des manières détournées de prononcer les jurons.

En fait on pourrait traduire cette parole ainsi « tu ne prononceras pas mon nom pour nuire » dans le mot hébreu il y a une notion de tromperie, de mensonge, de fausseté.

Cette parole s’applique, non aux jurons, mais au fait d’utiliser le nom de Dieu, c’est-à-dire sa personne, pour justifier nos actes, et surtout nos actes mauvais.

De tout temps les êtres humains ont cherché à associer Dieu à leurs actions. En se cachant derrière son nom, ils ont fait la guerre, conquis des royaumes ; ils ont oppressé, torturé, tué, assassiné. Que de massacre, de génocides, d’épurations ethniques faites en son nom.

Une autre façon de prononcer le nom de Dieu de manière abusive est de mélanger la politique et la foi. Il est évident que les Eglises et les chrétiens peuvent s’exprimer sur des choix de société. Le problème est quand ils veulent imposer leurs convictions au reste du monde.

Une autre façon de prononcer le nom de Dieu de manière abusive est de brider la liberté du prochain, de prendre de l’autorité sur lui. Ce sont toutes les interdictions abusives faites au nom de la religion : pensons aux femmes d’Iran et à leur combat pour pouvoir ne pas être obligée de sortir voilées. Les Eglises aussi ont eu leurs interdictions…

Cette 3ème parole doit nous pousser à l’humilité : qui peut prétendre connaître la pensée de Dieu ?

La 4ème parole :

 

8 Souviens-toi du jour du sabbat pour me le réserver. 9 Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage.

Aujourd’hui tout le monde manque de temps. Il y a beaucoup d’outils pour gagner du temps, mais plus nous les utilisons et plus il nous manque du temps. Dieu propose au peuple d’Israël et à nous des temps de respiration, des temps où l’on s’échappe du travail, du quotidien, de la recherche du profit ou du plaisir, pour se présenter devant lui. Le moment fort de la semaine, c’est le temps du culte, un temps mis à part, un temps d’écoute, un temps centré non sur nous-mêmes ou sur les autres, mais sur Dieu.

D’ailleurs on peut traduire « Fête le jour du sabbat ! » (A. Maillot)

Dans l’Exode, fêtez le sabbat c’est fêter le Dieu créateur :

Souviens-toi du jour du sabbat pour me le réserver. 9Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. 10Le septième jour, c’est le sabbat qui m’est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu ; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l’immigré qui réside chez toi. 11Car en six jours j’ai créé les cieux, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C’est pourquoi moi, le Seigneur, j’ai béni le jour du sabbat et je veux qu’il me soit réservé.

C’est donc aussi fêter le travail. Dieu a fait la création en 6 jours, il vit que cela était bon, et s’est reposé le 7ème ; ce texte nous appelle à fêter la création avec l’alternance du travail et du repos.

Le sabbat est le dernier jour de la semaine pour les Juifs ; dans l’Eglise, le dimanche est le premier jour de la semaine ; on commence ainsi par une fête : celle de la résurrection de Jésus-Christ.

Conclusion

Ces 4 premières paroles concernent Dieu. Mais on le voit, elle concerne aussi l’être humain.

Adorer Dieu le libérateur nous évite d’adorer les faux dieux qui asservissent.

Ne pas faire d’idole nous évite de figer Dieu ou le prochain, et nous place dans la liberté de la découverte, du changement, du cheminement, de la remise en question.

Ne pas prononcer le nom de Dieu pour nuire nous évite de nous cacher derrière Dieu pour faire des choses qu’Il n’approuverait pas, et ainsi ne pas nous prendre pour la divinité et ne pas décider par nous-mêmes de ce qui est bien et de ce qui est mal.

Enfin fêtez le sabbat, qui pour nous est le dimanche, nous permet d’entrer dans le repos. Pas seulement le repos physique, la détente, mais le repos spirituel, le repos que Dieu nous offre.

Amen.

Ex. 20 The ten words

New York 2023

This text is entitled The 10 Words. It is often translated as “the 10 commandments”; to a certain extent they are commandments, but they are also promises.

They are preceded by a reminder of the liberation from Egypt. It is because the people are freed from slavery that they can hear God’s voice, understand his will and do it.

This reminds us of the apostle Paul’s exhortation in Eph. 2.8-10:

“For it is by the grace of God that you have been saved, through faith… so that we may lead a life rich in good deeds, the ones he prepared in advance for us to practice.”

Behavior does not save, but it is the consequence of liberation and salvation. So we are saved, not by works, but by grace. Works, behaviors, flow from this salvation, and the commandments become promises that we can fulfill.

There are 10 words; the first four concern our relationship with God, the next six our relationship with our neighbor. But can we separate them so easily? Everything that concerns God concerns us, and everything that concerns us concerns God.

This morning we’ll look at the first 4 words.

 

The first word:

You shall have no other gods before me.

The first word follows on from the introduction: it is because God has saved us that we must worship him, and him alone. False gods enslave; the true God liberates.

There are many false gods in this world:

Money, which Jesus called Mammon

Sport, with its “stadium gods” and its great local, national and world masses. Take, for example, the Rugby World Cup currently taking place in France!

Certain political ideologies, with their large-scale events. We can’t count the millions of deaths they caused in the 20th century.

Of course we need money to live, of course we can watch a game, of course we can take an interest in politics and vote; the important thing is our relationship to all these things. Knowing how to manage, so that the true God has all the room in our lives.

Among all the false gods of this world, there’s also the one we carry within ourselves: our self, our ego. We think we’re so smart that we’re ready to advise God.

Let’s be wary of ourselves; we must only worship God!

The 2nd word:

4 “You shall not make for yourself an idol, whether in the form of anything that is in heaven above or that is on the earth beneath or that is in the water under the earth.”

This word follows on from the first.

God is spirit; he is invisible.

The only image of God on earth is the human being: Gen. 1. 27 :

27 So God created humans[a] in his image, in the image of God he created them; male and female he created them.

The human being is the only image of God in this world; but it is only an image, not the original.

However, man has a tendency to want to represent God, to make a representation, and perhaps to confuse it with the original. So we make statues, or idealize human beings.

We remember that when Moses went up the mountain, the Israelites asked Aaron to make a golden calf. This was no other god, since they said: “These are your gods, O Israel, who brought you up out of the land of Egypt!” and Aaron proclaimed: ” Tomorrow shall be a festival to the Lord!” (Ex. 32.4).

They wanted a visible God.

To make a statue is to make the invisible visible.

To make a statue is to make the invisible visible, to freeze it once and for all.

But God is alive; he cannot be frozen.

He is not the god of the fixed image, but the God of the word.

“He awakens my ear every morning, so that I may listen like a good disciple” says the prophet Isaiah (Isa. 50.4).

The true tabernacle is that of our heart, the true temple is our body, the true God is the one who reveals himself to us, in Jesus Christ, through his word.

The 3rd word:

7 You shall not make wrongful use of the name of the Lord your God, for the Lord will not acquit anyone who misuses his name.

It has often been thought that this refers to swearing, probably because the traditional way of translating this text was “thou shalt not take my name in vain”.

For fear of disobeying this commandment, both in France and in the United States, people have found different workarounds to pronounce swearwords.

In fact, this commandment could be translated as “thou shalt not speak my name in vain”: in the Hebrew word, there is a notion of deceit, lie and falsehood.

This word applies, not to swearing, but to using God’s name, i.e. his person, to justify our actions, and especially our evil actions.

Human beings have always sought to associate God with their actions. Hiding behind his name, they have waged war, conquered kingdoms, oppressed, tortured, killed and murdered. How many massacres, genocides and ethnic cleansings were carried out in his name.

Another way of misusing God’s name is to mix politics and faith. Churches and Christians can obviously express their views on social choices. The problem is when they want to impose their convictions on the rest of the world.

Another way of abusing God’s name is to curb the freedom of others, to take authority over them. Think of the women of Iran and their fight not to be forced to go out veiled. Churches too have had their prohibitions…

This 3rd word should drive us to humility: who can claim to know the mind of God?

 

The 4th word:

8 Remember the Sabbath day and keep it holy. 9 Six days you shall labor and do all your work.

Today, everyone is short of time. There are lots of time-saving tools, but the more we use them, the more we run out of time. God offers us and the people of Israel times to breathe, times when we escape from work, daily life, the pursuit of profit or pleasure, to present ourselves before him. The high point of the week is the time of worship, a time set apart, a time for listening, a time focused not on ourselves or others, but on God.

In fact, we could translate it as “celebrate the Sabbath day” (A. Maillot).

In Exodus, to celebrate the Sabbath is to celebrate God the Creator:

“Remember the Sabbath day and keep it holy. 9 Six days you shall labor and do all your work. 10 But the seventh day is a Sabbath to the Lord your God; you shall not do any work—you, your son or your daughter, your male or female slave, your livestock, or the alien resident in your towns. 11 For in six days the Lord made heaven and earth, the sea, and all that is in them, but rested the seventh day; therefore the Lord blessed the Sabbath day and consecrated it.

So it’s also a celebration of work. God made creation in 6 days, saw that it was good, and rested on the 7th; this text calls us to celebrate creation with alternating work and rest.

For the Jews, the Sabbath was the last day of the week; in the Church, Sunday is the first day of the week, starting with the feast of the resurrection of Jesus Christ.

Conclusion:

These first 4 words are about God. But as we can see, they also concern human beings.

Worshipping God the liberator prevents us from worshipping false gods that enslave.

Not making idols prevents us from freezing God or our neighbor, and places us in the freedom of discovery, change, movement and questioning.

Not using God’s name to do harm keeps us from hiding behind God to do things He wouldn’t approve of, so we don’t take ourselves for the deity and decide for ourselves what’s right and what’s wrong.

Finally, celebrate the Sabbath, which for us is Sunday, allowing us to enter into rest. Not just physical rest, relaxation, but spiritual rest, the rest that God offers us.

Amen.