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Dernier dimanche de l’Épiphanie 2024 | Transfiguration                                                  le 11 février 2024

Ce que l’on choisit de porter comme vêtement reflète notre personnalité. Nos habits peuvent aussi manifester notre intention pour une certaine occasion, notre état d’esprit ou même nos croyances. Prenez un petit moment pour regarder les vêtements que vous portez aujourd’hui. Ils ont une histoire, une sensation, ils sont sûrement associés à des souvenirs particuliers. Si vous les portez, c’est sûrement qu’ils vous plaisent, qu’ils vous donnent un certain sentiment de bien-être, de dignité. On peut prendre un peu de temps pour y penser. Nos vêtements sont plus que de simples bouts de tissus. En fait, ils nous permettent d’exprimer ce que nous sommes vraiment, d’incarner ce qui nous sommes. Il y a une manière de s’habiller à la Fred qui est différente de s’habiller à la Joris et c’est très bien ! Certains d’entre vous, comme Guillaume, se mettent sur leur trente-et-un le dimanche pour refléter par leur habit « ce grand et beau jour ». D’ailleurs, ne pas avoir de vêtement approprié, à cause de la pauvreté ou de la guerre, ne nous met pas seulement à la merci des dangers de l’extérieur mais bafoue aussi notre dignité d’être humain, de citoyen du royaume de Dieu. Ne pas avoir les vêtements appropriés porte atteinte à Dieu lui-même. Dans les minutes de son procès, Jeanne d’Arc informe ses juges que si elle a « pris habit d’homme » c’est que Dieu le lui a demandé et qu’elle ne l’ôtera que s’il le permet. Pour Jeanne, plus qu’être une réflexion d’elle-même, son vêtement est une réflexion de son appel, de la gloire même de Dieu sur elle, celle qui l’a soutenue jusque dans les flammes de son bûcher. Dans tout cela, on voit bien que les vêtements qui sont d’apparence si extérieurs à nous, nous sont en fait bien plus intimes que nous l’admettons souvent. Par certains aspects, ils sont le reflet même de Dieu sur nous, ils signifient à même notre peau, son amour, sa protection, sa présence.

Au cours de la saison de l’Épiphanie qui finira mercredi avec l’entrée en Carême, nous avons vu la gloire de Jésus se révéler petit à petit. Il a été adoré par les mages, baptisé par Jean Baptiste, reconnu par Siméon et Anne comme le Messie d’Israël, suivi enfin par ses premiers disciples. Comme une lumière qui grandit petit à petit, la présence de Jésus s’est faite de plus en plus réelle pour de plus en plus de gens, d’origines de plus en plus diverses. Et pourtant, ce qu’il se passe aujourd’hui devant Pierre, Jacques et Jean n’a rien de progressif ! La vision du Christ transfiguré ressemble plus à un flash qu’à un calme lever de soleil ! Et c’est pourtant, dans ce bref aperçu d’une lumière éblouissante, d’une gloire totale, que se cache pour les disciples et pour nous-mêmes aujourd’hui une source de grand réconfort, de grand encouragement.

Dans quelques jours, mercredi, nous entrerons dans la saison du Carême. Avec Pierre, Jacques et Jean, on va suivre Jésus dans son chemin de plus en plus ténébreux vers sa Passion sur la montagne du Golgotha où il sera crucifié. Lui dont la lumière s’est jusqu’alors révélée au monde en évitant les embûches se résout à entrer plus profondément dans notre nuit. Il vient nous y chercher. Pour cela, il prend ses plus proches disciples et les conduit sur une haute montagne. Là, il est « métamorphosé » et brille d’une lumière surnaturelle. Cette lumière, on la rencontre parfois dans la Bible, c’est celle de Dieu lui-même, l’image de sa gloire inaltérable, insaisissable, incontrôlable. Si vous allumez une bougie dans l’obscurité, sa clarté gagnera aussitôt les extrémités de la pièce, même si vous ne le voulez pas ! Comme la lumière, rien ne peut empêcher la diffusion de la gloire et de l’amour de Dieu dans la création. Rien. Alors avant d’entrer plus profondément dans la nuit, d’être assailli par les ténèbres, Jésus se révèle à ses disciples comme la lumière inaltérable, immortelle.

Dans l’obscurité du monde ou de nos propres vies, il est très rassurant de savoir que Dieu brille de cette lumière indéfectible, inaltérable. Et cette lumière n’est pas seulement ce que Dieu est, elle est notre partage, ce dont Dieu nous a revêtus avant de nous envoyer dans le monde. Lors de sa Transfiguration, Jésus le rappelle à ses disciples et à toutes celles et ceux qui vont prendre avec eux le chemin de la Passion. En effet, en Genèse 3, avant d’envoyer Adam et Ève dans le monde, de les faire descendre de la montagne où se trouve le jardin d’Éden, Dieu crée pour ses créatures qui n’ont pas eu confiance en lui, un mystérieux vêtement de עור (hor). Les traducteurs de la Bible qui sont souvent peu sensibles à la poésie du texte hébreu traduisent platement par « vêtement de peau de bête » ou « vêtement de peau ». Mais Dieu nous donne ici bien plus qu’un vêtement en cuir ou en fourrure… combien chics et élégants qu’ils soient ! Si vous suivez nos études bibliques du mercredi, vous savez que Dieu, qui est la Parole elle-même, aime jouer avec les mots. Ça ne vous étonnera pas qu’ici le terme עור (hor) se prononce sensiblement pareil que deux autres mots clefs pour comprendre l’évangile de la Transfiguration… אור qui signifie la lumière et הַר qui signifie montagne (qu’on retrouve par exemple dans le nom du mont Hor-eb…). A Eden, comme sur le mont de la Transfiguration, Dieu nous rappelle qu’il est celui qui nous revêt de sa lumière avant de nous envoyer dans ce monde ténébreux. Le mystère de la Transfiguration nous encourage aussi à entrer plus avant dans l’obscurité de notre humanité, pour y distinguer la lumière divine, cette lumière que nous sommes, que Dieu nous a donnée et qui nous est plus intime que notre peau et nos vêtements.

Les vêtements de Jésus d’ailleurs vont être tâchés de sang et déchirés, mais même sur la croix, quand sa lumière sera noire, sa peau ne cessera pas de nous éclairer. C’est là une pensée très réconfortante, je crois, car quand on fait face à des difficultés, quand on lutte contre le péché, contre des pensées, des sentiments difficiles, contre la maladie, quand on perd la lumière de la foi rien n’est plus réconfortant que de suivre Jésus sur cette montagne pour nous rappeler que même dans l’obscurité notre chair brille d’une lumière inaltérable. Ici, Jésus fait rayonner sur nous sa lumière qui nous rappelle que nous ne sommes pas prisonniers de ce monde. Comme nous le dit Paul lorsqu’il s’adresse aux Corinthiens, nous sommes toujours plus que ce qui est en nous, plus que tout ce à quoi ou à qui nous appartenons car « c’est Dieu aussi qui a fait briller sa lumière dans nos cœurs, pour nous donner la connaissance lumineuse de sa gloire qui resplendit sur le visage de Jésus Christ ». Nous sommes teintés de l’amour et de la lumière de Dieu d’une manière aussi concrète et extraordinaire que les vêtements de Jésus sur la montagne où il est transfiguré.

Dans le Carême, nous allons être invités à découvrir ce que ça veut dire pour nous aussi de briller dans ce monde ténébreux. Mais nous ne sommes pas seuls dans ce chemin. Jésus lui-même l’a tracé. Il est monté le premier sur la montagne de la Transfiguration, sur le mont Golgotha. Il en est descendu à chaque fois pour étendre la gloire et l’amour de Dieu dans des endroits où nous ne l’attentions pas. Pendant le Carême, prions pour que nous laissons la chair lumineuse de Jésus qui brille en notre chair nous dégager de nos fausses sécurités, de nos pâles gloires, de notre honte pour retrouver notre dignité, nous revêtir de sa lumière aussi intime que notre peau. Jésus nous appelle à le suivre à sur des montagnes, aujourd’hui, dans l’espace liturgique de l’église, sur cet autel. Ici, il nous dévoile secrètement sa gloire sous l’habit blanc d’un morceau de pain. Sur cette montagne, il laisse sa peau pour nous et nous donne sa lumière pour que nous puissions aussi en briller pour les autres. Montons, mes amis et devenons ce que nous recevrons.

 

Last Sunday of Epiphany 2024 | Transfiguration

What we choose to wear reflects our personality. Our clothes can also manifest our intention for a certain occasion, our state of mind or even our beliefs. Take a moment to look at the clothes you’re wearing today. They have a history, a feeling, they’re surely associated with particular memories. If you’re wearing them, it’s probably because you like them, because they give you a certain sense of well-being and dignity. We can take some time to think about this. Our clothes are more than just pieces of fabric. In fact, they allow us to express who we really are, to embody who we are. There’s a way of dressing à la Fred that’s different from dressing à la Joris, and that’s great! Some of you, like Guillaume, dress up on Sundays to reflect “this great and beautiful day”. What’s more, not having proper clothing, whether because of poverty or war, not only puts us at the mercy of external dangers, but also makes a mockery of our dignity as human beings, as citizens of God’s kingdom. Not having the right clothes undermines God himself. In the minutes of her trial, Joan of Arc informs her judges that if she has “taken on the habit of a man” it is because God has asked her to, and that she will only take it off if He allows it. For Jeanne, rather than being a reflection of herself, her garment is a reflection of her calling, of the very glory of God upon her, the glory that sustained her right up to the flames of her pyre. In all this, it’s clear that clothes, which are apparently so external to us, are in fact much more intimate than we often admit. In some ways, they’re God’s own reflection (Image?) on us, signifying his love, protection and presence on our very skin.

During the Epiphany season, which ends on Wednesday with the start of Lent, we have seen Jesus’ glory gradually revealed, little by little. He was adored by the Magi, baptized by John the Baptist, recognized by Simeon and Anna as Israel’s Messiah, and followed by his first disciples. Like a growing light, Jesus’ presence became more and more real for more and more people, from more and more diverse backgrounds. And yet, there’s nothing gradual about what’s happening before Peter, James and John today! The vision of the transfigured Christ looks more like a flash than a calm sunrise! And yet it is in this brief glimpse of dazzling light, of total glory, that a source of great comfort and encouragement lies hidden for the disciples and for us today.

In a few days’ time, on Wednesday, we’ll be entering the season of Lent. With Peter, James and John, we will follow Jesus on his increasingly dark path towards his Passion on the mountain of Golgotha, where he will be crucified. The one whose light has hitherto revealed itself to the world by avoiding its pitfalls, resolves to enter more deeply into our night. He comes to seek us out. To do this, he takes his closest disciples and leads them up a high mountain. There, he is “transformed” and shines with a supernatural light. This light, which we occasionally encounter in the Bible, is that of God himself, the image of his unalterable, elusive, uncontrollable glory. If you light a candle in the dark, its brightness will immediately reach every corner of the room, even if you don’t want it to! Like light, nothing can stop God’s glory and love from spreading throughout creation. Nothing. So before entering deeper into the night, before being assailed by darkness, Jesus reveals himself to his disciples as the unalterable, immortal light.

In the world’s darkness, or in the darkness of our own lives, it is very reassuring to know that God shines with this unfailing, unalterable light. And this light is not only what God is, it is what we share, what God clothed us in before sending us out into the world. At the Transfiguration, Jesus reminds his disciples of this, together with  all those who are about to embark on his Passion with them. Indeed, in Genesis 3, before sending Adam and Eve into the world, sending them down from the mountain where the Garden of Eden is located, God creates a mysterious garment of עור (hor) for his creatures who have not trusted in him. Bible translators who are often insensitive to the poetry of the Hebrew text flatly translate this as “garment of beast’s skin” or “a garment of skin”. But God gives us much more than a leather or fur coat – however chic and elegant they may be! If you’ve been following our Wednesday Bible studies, you know that God, who is the Word Himself, loves to play with words. It won’t surprise you that here the word עור (hor) is pronounced much the same as two other key words for understanding the gospel of the Transfiguration… אור which means light and הַר which means mountain (found, for example, in the name of Mount Hor-eb…). In Eden, as on the Mount of Transfiguration, God reminds us that he is the one who clothes us in his light before sending us out into this dark world. The mystery of the Transfiguration also encourages us to enter deeper into the darkness of our humanity, to distinguish there the divine light, the light that we are, that God has given us, which is more intimate to us than our skin and our clothes.

Jesus’ clothes will be stained with blood and torn, but even on the cross, when his light is darkened, his skin will not cease to illuminate us. I believe that this is a very comforting thought. Because when we face difficulties, when we struggle against sin, against difficult thoughts and feelings, against illnesses; when we lose the light of faith, nothing is more comforting than to follow Jesus up this mountain to remind us that even in darkness our flesh shines with an unalterable light. Here, Jesus shines his light on us, reminding us that we are not prisoners of this world. As Paul tells us in his address to the Corinthians, we are always more than what is in us, more than anything to which or to whom we belong, for “it is God also who has caused his light to shine in our hearts, to give us the luminous knowledge of his glory, which shines forth from the face of Jesus Christ”. We are shot-through with God’s love and light in a way that is as concrete and extraordinary as Jesus’ garments on the mountain where he is transfigured.

In Lent, we are invited to discover what it means for us too to shine in this dark world. But we’re not alone on this path. Jesus himself mapped it out. He was the first to ascend the mountain of Transfiguration, and then on Mount Golgotha. Each time, he descended from those mountains to spread God’s glory and love in places where we least expected it. During Lent, let us pray that we may allow the luminous flesh of Jesus shining in our flesh to free us from our false security, our pale glories, our shame, to recover our dignity, to clothe ourselves in his light as intimate as our skin. Jesus calls us to follow him over the mountains, today, in the liturgical space of the church, at this altar. Here, he secretly reveals his glory under the white garment of a piece of bread. On this mountain, he leaves his skin for us and gives us his light so that we too can shine for others. Let us go up, my friends, and become what we receive.