Le dimanche des Rameaux le 28 mars 2021
Un article récent dans le Scientific American a rapporté quelque chose que nous avons tous probablement vécu au cours de la dernière année. COVID-19 a modifié non seulement nos moments éveillés, mais aussi le monde de nos rêves : combien de fois nous rêvons, combien de nos rêves nous nous souvenons et la nature de nos rêves elle-même. Il y a eu une vague de rêves partout dans le monde. C’est la première vague de rêve de ce genre à être largement rapportée à l’ère des médias sociaux. Les scientifiques sont divisés sur la question de la fonction de ces rêves pandémiques, mais l’article conclut de façon optimiste : « Les rêves peuvent être vexants, mais ils sont aussi impressionnables, malléables et parfois inspirants. »
La liturgie pour la célébration du dimanche des Rameaux est plutôt onirique. Nous avons commencé par imiter les foules qui agitent des branches de palmier et crient Hosanna afin d’accueillir leur roi à Jérusalem. Mais, tout comme dans l’un de ces rêves pandémiques, le décor s’est brusquement transformé en jardin à minuit, et nous nous sommes remémorés l’histoire de l’arrestation, du procès et de la crucifixion du roi dont nous avons célébré l’entrée triomphale dans la ville quelques instants plus tôt. Notre service est passé d’une grande joie à une souffrance terrible avec une rapidité similaire à celle d’un rêve étrange. Même la façon dont l’histoire est racontée peut vous faire penser à un rêve. Il y a plein de symbolisme : un âne, des branches de palmier, des cris confus, des torches de minuit dans un jardin, un coteau aride ; tous s’empilent les uns sur les autres pour créer des sentiments et des significations. Certains des sentiments que ces symboles évoquent sont si profondément ancrés dans notre subconscient qu’ils ne peuvent être ressentis que dans nos rêves.
L’écrivain franco-américain Julien Green a écrit un jour dans ses journaux : « Dernièrement, j’ai pensé à Jésus en train de chanter. Il chantait avec ses apôtres le Jeudi Saint avant d’aller rencontrer sa mort. Quel type de voix avait-il ? Et il a dû aussi rêver pendant son sommeil. L’Évangile mentionne son sommeil plus d’une fois. De quoi a-t-il rêvé ? » C’est une question intéressante à se poser – et pour certains elle peut même sembler blasphématoire. Nous sommes habitués à apporter un soutien de façade au fait que Jésus était humain tout comme nous : il avait faim et soif, il connaissait la souffrance, il a pleuré la mort de son ami Lazare. Mais quand on essaie d’imaginer ses rêves, on devient mal à l’aise. Les rêves peuvent être des choses très personnelles à partager.
Nous sommes familiers avec le contenu de nos propres rêves : leurs étranges panoramas, leurs fortes émotions (incluant même parfois la violence), et leurs drames implicites et déroutants. Est-il possible que les rêves de Jésus aient eu quelque chose en commun avec les nôtres ? Est-ce qu’un esprit inconscient en dualité d’une intelligence consciente faisait partie de son incarnation ? Lorsque nous prenons conscience de notre propre esprit subconscient, ce que nous trouvons peut parfois être dérangeant. Mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a aussi beaucoup de tendresse, de beauté et d’inspiration. Il ne s’agit pas uniquement de peurs ou de colère réprimées. Jésus est également présent dans notre subconscient, et une prière dans le Livre de la prière commune invoque sa présence pendant que nous dormons : (p. 360 dans la version anglaise) Père des cieux, tu donnes le sommeil à tes enfants pour qu’ils reposent leur âme et leur corps: Je t’en prie, accorde-moi ce don, conserve-moi dans la paix parfaite que tu promets à ceux qui ont l’esprit fixé sur toi, et donne-moi de sentir ta présence, pour qu’aux heures de silence j’aie la joie d’éprouver l’assurance de ton amour. Par Jésus le Christ, notre Sauveur. Amen
À travers les âges, les théologiens ont cru que le sommeil et les rêves étaient un don de Dieu. Dieu parle à travers les rêves. Ils sont aussi un moyen par lequel il nous contraint à arrêter nos activités frénétiques pour un moment. Nous passons notre temps éveillé à penser, à comploter, à décider quoi faire ensuite, à interagir avec les autres et à interférer avec leurs vies. Lorsque nous nous allongeons pour dormir, Dieu nous dit : « Tu n’es pas le créateur ; Je le suis. Le monde continue de tourner sans toi, et il sera encore là quand tu te réveilleras. Maintenant tu dois rester tranquille. Tu n’as pas le choix. Tu dois renoncer au contrôle de ta conscience pour un moment. » Le sommeil se fait en fait le miroir de la mort : qui un jour nous appellera tous à totalement lâcher prise.
Dieu dit, « Celui qui s’abandonne, je l’aime. » L’acte de reddition totale que nous commémorons cette semaine culmine le jour de Vendredi Saint avec la crucifixion et la mort de Jésus. Dans sa lettre aux Philippiens, Paul nous rappelle que c’est en faisant un vide interne, en se rendant totalement à la volonté de son Père que Jésus a obtenu la totale rédemption de notre monde. Il n’y a pas d’endroit en nous qui n’ait pas été touché par cette rédemption : la joie en fait partie ainsi que la souffrance. Le Saint-Esprit qui se mouvait au-dessus de l’abîme lorsque le monde a été créé est toujours actif dans les parties les plus secrètes de nos cœurs. Il est particulièrement actif alors que nous allons assister et penser aux mystères de la mort et de la résurrection de Jésus lors de la semaine à venir. Lorsque nous nous rendons à Dieu, nous acceptons le travail de Sa créativité sans fin en nos seins, cette créativité qui refait le monde. Parfois nous ne pouvons que entrevoir ce monde à travers des rêves, des symboles et des intuitions. Notre intellect est toujours en train d’essayer de prendre le contrôle de ces procédés. Mais Jésus nous incite à suivre son chemin. Nous devons faire le vide de nous-mêmes, nous rendre, pour que nous puissions à notre tour faire le même rêve que lui, et nous réveiller au commencement d’un nouveau monde.
NJM Ver. Fr. FS
Palm Sunday
March 28, 2021
Isaiah 50:4-9 Philippians 2:5-11
Passion according to Mark
A recent article in the Scientific American reported something that all of us have probably experienced over the last year. COVID-19 has altered not just our waking moments, but our dream worlds too: how much we dream, how many of our dreams we remember, and the nature of our dreams themselves. There has been a dream-surge all over the globe. It is the first such dream surge to be widely reported in the era of social media. Scientists are divided on the question of the function of these pandemic dreams, but their article concludes hopefully, “Dreams can be vexing, but they are also impressionable, malleable and at times inspirational.”
The liturgy for the celebration of Palm Sunday is rather dream-like. We began by imitating the crowds who waved palm branches and shouted Hosanna to welcome their King into Jerusalem. But, just as in one of those pandemic dreams, the scene abruptly changed to a garden at midnight, and we told ourselves the story of the arrest, trial and crucifixion of the King whose triumphal entry into the city we celebrated only a few moments before. Our service moved from great joy to terrible suffering with all the speed of a strange dream. Even the way in which the story is told puts you in mind of a dream. It is full of symbolism: a donkey, palm branches, confused cries, midnight torches in a garden, a barren hillside; all of them piling on top of one another to create feelings and meanings. Some of the feelings that these symbols evoke are embedded so deeply within our subconscious that they can only be sensed in our dreams.
The French-American writer Julien Green once wrote in his diaries: “I have been thinking over these past days, about Jesus singing. He sang with his apostles on Maundy Thursday before going to his death. What kind of voice did he have? And he must have dreamed while he slept. The Gospels mention his sleeping more than once. What did he dream?” It is an interesting question – and some people mighty find it almost blasphemous to ask. We are used to paying lip-service to the fact that Jesus was just as human as we are: he was hungry and thirsty, he experienced pain. He cried at the death of Lazarus, his friend. But when we try to imagine his dreams, we become uncomfortable. Dreams can be very personal things to share.
We are familiar with the content of our own dreams: their strange landscapes, their strong emotions (sometimes even including violence), and their involved and confused dramas. Can it possibly be that Jesus’ dreams had anything in common with our own? As a consequence of his incarnation, did Jesus have a subconscious mind as well as a conscious intellect? When we become aware of our own subconscious mind, what we find can be occasionally disturbing. But this is not always the case. There is a great deal of tenderness, beauty and inspiration to be found there too. It is not all about suppressed fears or anger. Jesus is present in our subconscious mind too, and a prayer in the BCP invokes his presence as we sleep: (p.360 en français) O heavenly Father, you give your children sleep for the refreshing of soul and body: Grant me this gift, I pray; keep me in that perfect peace which you have promised to those whose minds are fixed on you; and give me such a sense of your presence, that in the hours of silence I may enjoy the blessed assurance of your love; through Jesus Christ our Lord. Amen.
Christians through the ages have believed that sleep and dreams are a gift of God. God speaks through dreams in the Bible. They are also one of the means by which God compels us to cease our frantic activities for a moment. We spend our waking hours thinking, plotting, deciding what to do next, interacting with others and interfering in their lives. When we lie down to sleep, God says to us: “You are not the creator; I am. The world does not depend upon you to keep it turning, and it will still be here when you awake. Now you must be still. You have no choice. You must relinquish control over your consciousness for a while.” Sleep is a mirror image of death: which will one day call each one of us to undertake an act of absolute letting go.
“Those who abandon themselves, I love,” says God. The act of total surrender which we commemorate this week culminates on Good Friday with the crucifixion and death of Jesus. In the letter to the Philippians, we are reminded that it is by an act of self-emptying; an act of total surrender to his Father’s will that Jesus won the redemption of the world. No part of us is untouched by that redemption. The joy is included in it as well as the pain. The Holy Spirit who hovered over the face of the deep when the world was first made is still active in the most secret places of our hearts. It is especially active as we hear and reflect on the mysteries of Jesus’ death and resurrection over the coming week. When we surrender ourselves to God, we allow his ceaseless creativity to work in us, that creativity which is making the world anew. Often, we can only glimpse this world through dreams, symbols and intuitions. Our intellect is always trying to establish control over the process. But Jesus urges us to do as he did. We must empty ourselves, surrender ourselves, so that we in our turn are able to dream the same dream as he dreamt, and awake to the dawning of a new world.
NJM